200 mètres ★★☆☆

200 mètres, c’est l’espace qui sépare la maison de Mustafa à Tulkarm en Cisjordanie de l’appartement où vivent sa femme et ses trois enfants, de l’autre côté du mur, en Israël. Chaque jour, Mustafa le franchit pour aller travailler en Israël, supportant sans broncher la longue attente aux checkpoints et les procédures humiliantes de sécurité. Mais chaque nuit, il en est réduit à faire clignoter le lampadaire de sa terrasse pour communiquer avec sa famille.
Cette routine épuisante connaît toutefois un loupé le jour où le fils aîné de Mustafa est gravement accidenté côté israélien. Faute d’avoir fait renouveler à temps ses papiers, Mustafa est bloqué au checkpoint. Pour rejoindre sa famille, il doit se résoudre à solliciter l’aide de passeurs. Avec trois autres passagers, le voici entraîné dans un voyage dangereux dont il aurait volontiers fait l’économie.

La frontière est un lieu éminemment cinématographique. Les VIIèmes rencontres Droit et cinéma de La Rochelle en juin 2014 lui consacraient d’ailleurs un séminaire. On y montrait que leur franchissement et la tension dramatique qu’il provoquait avait de tous temps intéressé les réalisateurs. Pendant la Guerre froide, on filmait le Mur de Berlin. Depuis 1989, on en filme d’autres : le mur, autour de Ceuta, qui défend l’Europe de Schengen et où se pressent des immigrés africains (Loin, Goodbye Morocco, Roads), la frontière américano-mexicaine (Savages, Sicario, Desierto) et enfin le mur érigé depuis 2002 entre Israël et la Palestine. Amos Gitaï l’évoque dans deux de ses films : Promised Land en 2004 et Free Zone en 2005. Eli Suleiman, avec son humour pince sans rire reconnaissable au premier coup d’oeil, en fait le personnage principal de Intervention divine en 2002.

C’est sur ce très riche terreau que repose le premier film du jeune Ameen Nayfeh qui s’est nourri des mille et une anecdotes tragi-comiques que vivent les populations limitrophes du mur pour en construire l’intrigue. Telle est la direction que semble d’ailleurs prendre 200 mètres dans son premier tiers : la chronique douce-amère de la vie au pied du mur vécue par une famille palestinienne qui n’arrive pas à choisir le côté où s’installer. Mais le film connaît ensuite une brusque bifurcation qui en altère le sens. Son tempo s’accélère. La chronique familiale se mue en thriller mettant en scène Mustafa et ses compagnons de voyage (un jeune Palestinien qui veut aller s’employer en Israël, une documentariste allemande qui ne joue peut-être pas franc-jeu, son guide arabe qui souhaite se rendre au mariage d’un cousin) qui tentent, à leurs risques et périls, de franchir le mur en fraude.

Ce mélange des genres est revendiqué par le réalisateur dans son dossier de presse. Il n’en constitue pas moins pour autant, à mes yeux, une faiblesse. J’aurais préféré que 200 mètres reste sur le premier registre, ou alors se déroule entièrement, depuis ses toutes premières minutes, sur le second. On a un peu l’impression que les deux sujets étant intéressants, Ameen Nayfeh n’a pas réussi à choisir lequel sacrifier. Le thriller multiplie les incohérences et, plus grave, se termine en queue de poisson. Qu’a-t-on appris à la fin de 200 mètres qu’on ne savait déjà ? Que le mur dresse un obstacle absurde entre deux peuples. Soit….

La bande-annonce

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