Poet ★☆☆☆

Marié et père de famille, Didar travaille à Almaty dans un journal au bord de la faillite. Il a une passion, la poésie, et un modèle, Makhambet Utemisov, un poète kazakh du 19e siècle, qui s’est rebellé contre les autorités et qui a connu une fin tragique.

Quand on tape « cinéma kazakh » sur Google, on trouve… Borat ! Pourtant le Kazakhstan a produit quelques films, peu ou mal diffusés en France, qui méritent qu’on s’y arrête. Avec Chouga (2007), Darezhan Ormibaev a transposé Anna Karénine dans le Kazakhstan contemporain. L’Étudiant (2012) du même transpose cette fois-ci Crime et châtimentLe Souffle (2014) est un des plus beaux films que j’aie vus ces dernières années, qui montre l’immense plaine kazakhe dans de longs travelings sans dialogue. Sortis en 2018 et en 2020, signés par Adilkhan Yerzhanov, La Tendre Indifférence du monde raconte une histoire d’amour impossible et A Dark-Dark Man une enquête policière tournée sous le soleil froid de la steppe kazakhe.

Près de dix ans après L’Etudiant, Poet marque le retour dans les salles de Drezhan Omirbayev, le père de cette « Nouvelle Vague du cinéma kazakh ». Le sexagénaire, habitué des plus grands festivals, y exprime une idée très abstraite et très profonde : l’incapacité du poète à vivre dans le monde qui l’entoure. L’idée n’est pas neuve : elle avait été déjà vulgarisée par les plus grands poètes du XIXème siècle (Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Musset….)… et inspirait bien des lycéens pour leur bac de français !

L’originalité de Poet est de mettre en miroir deux vies : celle banalement contemporaine de Didar qui se rend en train dans une petite ville de province pour y lire ses poèmes devant une salle vide et celle de Makhambet Utemisov, sauvagement assassiné par les sicaires du gouverneur russe au milieu du dix-neuvième siècle. Ces deux destins entremêlés pourraient renvoyer l’image du poète maudit, condamné à vivre incompris en marge des hommes.
Mais Poet n’est pas si pessimiste. La seule spectatrice de la présentation de Didar est une jeune fille bègue qui connaît toute son oeuvre et qui lui dit combien sa lecture a bouleversé sa vie. Quant à Makhambet Utemisov, si ses ossements ont connu bien des tribulations, sa mémoire est désormais honorée dans un splendide mausolée.

La bande-annonce

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