Ennio ★★☆☆

Ennio Morricone est mort en 2020 au terme d’une longue carrière. Giuseppe Tornatore – dont il signa la musique de Cinema Paradiso – avait commencé à tourner un documentaire à sa gloire.

Sa réalisation n’a rien de bien original : il s’agit d’une longue succession d’interviews et d’images d’archives qui retrace chronologiquement la longue carrière du maestro. Il pourrait même avoir un défaut rédhibitoire : sa durée – deux heures et trente-six minutes – qui risque d’en lasser plus d’un et qui est sans doute la conséquence de la fusion de trois épisodes de cinquante-deux minutes chacun plus adapté au format télévisuel.

Mais, même si ce documentaire ne brille guère par son originalité, son sujet est tellement enthousiasmant qu’on ne peut qu’en être fasciné.
Ennio Morricone est en effet un immense musicien qui a donné à la musique de film, un art longtemps mineur, ses lettres de noblesse. Formé au Conservatoire, dans l’ombre des plus grands maîtres de la musique contemporaine italienne qui ne voyaient pas d’un bon œil ses choix de carrière, Morricone aurait pu suivre le parcours orthodoxe d’un musicien académique. Les hasards de la vie en décidèrent autrement.
Il commence par écrire des arrangements pour des vedettes de variété avant de se tourner vers le cinéma. Sa collaboration avec Sergio Leone le rend célèbre. Les musiques de Pour une poignée de dollars, Le Bon, la Brute et le Truand ou Il était une fois dans l’ouest sont d’une originalité telle qu’elle rencontre un succès immédiat. Ennio Morricone refuse la facilité de la « mélodie »‘ pour toutes sortes d’expérimentations. Ses partitions, d’une foisonnante richesse, entrelacent les thèmes, multiplient les contrepoints. C’est peut-être celle de Mission (1986) qui est la plus riche, dont le documentaire analyse finement la construction sophistiquée, dont on en comprend toujours pas aujourd’hui qu’elle n’ait pas été récompensée par un Oscar (l’Académie se rattrapera en lui décernant en 2007 un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière).

Le documentaire verse souvent dans l’hagiographie. Mais le génie de Morricone était si grand, son œuvre si impressionnante, qu’on pardonne volontiers à Ennio ses excès.

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Peter von Kant ★☆☆☆

Peter von Kant (Denis Menochet) est un grand réalisateur allemand du début des 70ies. Homosexuel affiché, il vit dans un appartement luxueux de Cologne avec Karl (Stefan Crepon) son assistant qu’il maltraite. Sidonie (Isabelle Adjani), la star vieillissante qu’il fit jadis tourner, lui présente un jeune acteur Amir (Khalil Gharbia) dont Peter tombe instantanément follement amoureux. Le temps passe et Amir profite de la situation pour mettre Peter à sa botte.

Quelle incroyable filmographie que celle de François Ozon ! Quelle richesse ! Quelle variété ! Quelle stakhanovisme ! Y aura-t-elle encore une star française qu’il n’aura pas fait tourner ? Isabelle Adjani manquait à son tableau de chasse. Elle livre dans Peter von Kant une prestation étonnante, aux limites de l’auto-parodie, momifiée par un énième lifting sous un peau qu’aucune ride ne vieillit alors qu’elle vient de fêter son soixantième-septième anniversaire.

Ozon a pris Fassbinder comme figure tutélaire. Les deux hommes, qu’une génération et le Rhin séparent, partagent la même boulimie de travail, la même homosexualité transgressive, le même désir fulgurant de se jouer des codes…. Déjà en 2000, dans l’un de ses tout premiers films, Gouttes d’eau sur pierre brûlantes, le tout jeune Ozon adapté une pièce de théâtre de Fassbinder. Le résultat, déconcertant, lançait les carrières de Ludivine Sagnier et de Malik Zidi.

Sans se soucier des modes, Ozon revient en 2022 à ses premières amours. Il signe un remake de la pièce de théâtre de Fassbinder Les Larmes amères de Petra von Kant, que le cinéaste allemand avait portée à l’écran en 1972. Volontiers autobiographique, Les Larmes amères… avait pour personnage principal, non pas un réalisateur masculin, mais une créatrice de mode, interprétée par Hanna Schygulla… qu’on retrouve dans Peter von Kant.
Ozon s’autorise à pousser l’identification jusqu’au bout et à transformer Petra en Peter, à donner à son acteur principal, l’incroyable Denis Menochet (qu’il avait déjà dirigé dans Grâce à Dieu), les traits de l’ogre Fassbinder, la moustache tombante, le corps obèse….

Les limites de Peter von Kant sont doubles
La première est sa théâtralité. Sempiternel débat sur l’adaptation au cinéma de pièces de théâtre, souvent statiques et très dialoguées. Quelle est la valeur ajoutée du passage à l’écran ? Elle saute rarement aux yeux. En tous cas, ici, je ne vois pas l’intérêt de faire un film d’une pièce qui aurait été parfaite sur scène.
La seconde est son actualité. Pourquoi ce film en 2022 sinon la fascination fétichiste de Ozon pour son maître ? Qu’il y a-t-il dans les outrances de grande folle de Peter von Kant et dans les logiques de domination/soumission qui tissent sa vie – dans sa double relation avec Karl et avec Amir – qui justifie qu’on en (re)fasse aujourd’hui un film ?

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La Maman et la Putain (1973) ☆☆☆☆

Alexandre (Jean-Pierre Léaud) est un dandy parisien. Il vit aux crochets de Marie (Bernadette Laffont) qui l’héberge et l’entretient. Tandis qu’il essaie sans succès de reconquérir Gilberte (Nathalie Weingarten), une jeune enseignante qui l’a quitté pour se marier, il fait la rencontre de Veronika (Françoise Lebrun), une infirmière qui ne se cache pas de mener une vie sexuelle libérée. S’ébauche entre Alexandre, Marie et Veronika un ménage à trois.

La Maman et la Putain est sans doute possible un film-culte qui a marqué l’histoire du cinéma. Sa projection à Cannes en 1973 fit scandale. Le suicide de son réalisateur, Jean Eustache, en 1981, renforça la sombre aura de « diamant noir » (l’expression est de Mathieu Macheret). Aujourd’hui, La Maman et la Putain figure dans nombre d’anthologies et est régulièrement cité parmi les meilleurs films du cinéma français.

La Maman et la Putain utilise les recettes de la Nouvelle vague. C’est un film tourné en noir et blanc et en son direct – si bien que les conversations y sont parfois coupées par le tohu-bohu de la circulation automobile et que le son diégétique des disques qu’on y entend est si mauvais. Il lui emprunte aussi son acteur fétiche : Jean-Pierre Léaud.

Dans l’histoire du cinéma français, La Maman et la Putain est souvent présenté comme un film de l’Après-68. Ses personnages sont désenchantés. La révolution prolétarienne a échoué et ne les intéresse plus. Alexandre se moque de Sartre. Surtout, la révolution sexuelle s’est avérée un leurre. Le long monologue de Veronika qui clôt le film en fait l’aveu émouvant : « baiser » est « merdique » et rien n’est plus beau que « faire ‘amour » avec l’homme qu’on aime et porter son enfant. Une morale terriblement rétrograde d’un film pourtant volontiers libertaire….

La Maman et la Putain a une particularité qui le distingue des autres films de la Nouvelle Vague, autrement concis : sa durée obèse. La Maman et la Putain dure trois heures et quarante minutes, ce qui fait de son visionnage une épreuve. Une épreuve d’autant plus pénible que le film ne brille pas par ses rebondissements mélodramatiques mais se veut au contraire un film de dialogues. Son héros, volontiers ridicule, use le langage jusqu’à la trame.

Dès les premières images du film, son artificialité m’a déplu. Ce reproche-là, qu’on a souvent fait à La Maman et la Putain, le personnage joué par Jean-Pierre Léaud s’en défend par une formule tarabiscotée que je ne comprends pas :  « Plus on paraît faux, plus on va loin. Le faux, c’est l’au-delà ». Ca sonne bien… mais ça veut dire quoi ? Dès les premières scènes, je n’ai pas accroché à ce personnage insupportable d’égocentrisme et de maladresse et aux longues logorrhées, souvent répétitives, qu’il nous inflige.

Je suis trop jeune pour avoir connu Mai-68. Et je le suis presque trop pour avoir connu le désenchantement de cette génération-là. Aussi la douleur de Veronika, déchirée entre une liberté sexuelle vide de sens et une quête amoureuse vaine, ne m’a-t-elle pas touché.

La Maman et la Putain est un film clivant. Il a ses adorateurs. J’aurais aimé en être. Hélas je n’en suis pas….

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El buen patrón ★★☆☆

Julio Branco (Javier Bardem) est le patron charismatique d’une petite entreprise familiale de balances industrielles. Déjà couvert de prix, il aspire à une nouvelle récompense qu’un jury lui décernera peut-être sous huit jours. Mais d’ici là, les tracas s’accumulent qui menacent le bon déroulement de la visite du jury : le fils d’un fidèle employé a été arrêté par la police, son bras droit est à la dérive depuis que sa femme menace de le quitter, une nouvelle stagiaire a tapé dans l’oeil du patron….

Meilleur film, meilleur réalisateur, prix d’interprétation masculine : El buen patrón a fait un carton plein aux derniers Goyas espagnols. Peut-être l’un des plus grands acteurs contemporains, Javier Bardem y livre une prestation inoubliable. Il réussit l’incroyable défi de rendre sympathique un personnage foncièrement antipathique : un patron dont le seul talent est d’avoir hérité de son père une entreprise familiale. Avec chacun des employés de sa petite entreprise, il se montre tour à tour paternaliste et intraitable. Est-ce le trait d’une personnalité hypocrite ou perverse ? Même pas. Et c’est là que le personnage de Julio Branco est diablement intéressant : Javier Bardem incarne un « brave type » pétri de bonnes intentions qui a juste envie que tout rentre dans l’ordre. À notre corps défendant, on prend très vite son parti et on se surprend à espérer avec lui que tous ses soucis disparaissent d’ici la visite du jury censé consacrer sa réussite.

Même si la fin du film est d’un délicieux cynisme, le procédé a toutefois ses limites qui sont vite atteintes. Le talent de Javier Bardem a beau être immense, les ressorts qui animent son personnage sont assez pauvres. Le film aurait pu basculer dans un autre genre, plus sombre. Il reste dans le même registre : celui de la comédie noire. Sa cohérence est paradoxalement sa dernière faiblesse.

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Les Enfants du soleil ★★☆☆

Ali a douze ans dans l’Iran d’aujourd’hui. C’est un enfant des rues abandonné à lui-même depuis la disparition de son père et l’internement de sa mère en asile psychiatrique. Avec trois camarades, Mamad, Abofazl et Reza, Ali multiplie les rapines. Hashem, le parrain du quartier, lui assigne une mission : retrouver un trésor enfoui sous l’Ecole du soleil. Pour mener à bien sa tâche, Ali et ses trois amis doivent s’inscrire à l’école, qui accueille des enfants sans ressources, et feindre d’en suivre l’enseignement.

Le cinéma iranien jouit en Occident d’un statut paradoxal. Les films iraniens qui y ont le plus de succès sont ceux signés de réalisateurs en conflit plus ou moins larvé avec le régime : Jafar Panahi (Taxi Téhéran, Trois visages), Mohammad Rasoulof (Un homme intègre, Le diable n’existe pas), Ashgar Farhadi (Une séparation, Le Client, Un héros), Ali Souzandeh (Téhéran Tabou). Rien de tel avec Majid Majidi dont la biographie ne porte pas la moindre trace d’une tracasserie policière, d’une mise en résidence surveillée ou d’un refus de visa. De là à le suspecter de faire le jeu du régime des mollahs, il n’y a qu’un pas qu’on s’abstiendra de franchir en se bornant à considérer son dernier film sans le juger sur ses non-dits politiques.

Deux cartons placés au début du film pourraient néanmoins exacerber nos préjugés. Le premier, inutilement bien-pensant, le dédit aux 145 millions d’enfants exploités à travers le monde. Le second invoque le Tout-puissant, dont on comprend mal pourquoi il faut qu’il y soit mêlé.

Des films sur la délinquance juvénile, on en a déjà vu beaucoup, depuis longtemps et sous toutes les latitudes : Los Olvidados au Mexique, Orange mécaniqueSweet Sixteen ou This is England au Royaume-Uni, Les Quatre Cents Coups ou La Haine en France La Cité de Dieu au Brésil, Thirteen aux Etats-Unis, Gomorra en Italie, Beasts of no Nation en Afrique de l’ouest, etc.
Difficile de faire du neuf sur un thème aussi éculé qui creuse jusqu’à l’épuisement toujours la même trame : abandonnés à eux-mêmes des gamins sans repères ont sombré dans la violence mais trouveront le chemin de la rédemption à condition de croiser l’adulte ou la structure qui saura les écouter.

Les Enfants du soleil remplit sagement ce cahier des charges. Il y est aidé par son héros, le jeune Rouhollah Zamani, découvert grâce à un casting sauvage, dont l’énergie lui a valu le prix Marcello Mastroianni du jeune espoir à la Mostra de Venise 2020. À la seule lecture du pitch, je m’étais imaginé la fin du film. Mon intuition péremptoire s’est révélée erronée et le dernier quart d’heure des Enfants du soleil a réussi à me surprendre.

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Ballroom Dancing (1992) ★★☆☆

Scott Hastings (Paul Mercurio) est un danseur de salon qui, depuis son enfance, poussé par une mère tyrannique, elle-même professeure de danse et ancienne professionnelle, rêve de remporter le plus prestigieux concours : le Pan-Pacific. Mais, le carcan étriqué des règles de la discipline l’étouffe. Il brûle de le faire éclater avec des chorégraphies inédites. Effrayée par tant d’audace, sa partenaire le quitte. Il faut d’urgence en trouver à Scott une nouvelle. C’est le moment que choisit Fran (Tara Morice), une jeune femme sans grâce cachée derrière d’immenses lunettes difformes, pour lui faire des avances. Son père, immigré espagnol, s’avère être un exceptionnel danseur qui entraîne le couple en vue de la compétition, sans souci du règlement.
Mais alors que le grand jour approche, le passé familial que Scott découvre le place face à un dilemme déchirant : écoutera-t-il les sages conseils de sa mère ou l’appel de l’amour ?

L’Australien Baz Luhrmann est pour moi le réalisateur indépassable de Romeo + Juliet, un des films les plus intelligents et les plus sensibles qui soient, qui a réussi à redonner une seconde vie à la pièce de théâtre la plus célèbre au monde.

Il n’a pas trente ans quand il signe son premier film sur un sujet qu’il connaît bien : la danse de salon que ses parents pratiquaient en semi-professionnels. Il aurait pu lui consacrer un documentaire sur son kitsch assumé, sur son esthétique démodée. Il lui préfère une fiction au scénario à l’eau-de-rose, sauvé par son second degré et son humour en demi-teinte. Ne lui jetons pas la pierre : Dirty Dancing suivait, cinq ans plus tôt, quasiment le même scénario, avec le succès mondial que l’on sait.

Ballroom Dancing ne vaut guère par ses interprètes qui manquent désespérément de charisme. D’ailleurs aucun d’eux ne fera carrière. Mais l’énergie qu’ils déploient dans leurs chorégraphies endiablées les excuse, qui annonce les débordements de Moulin Rouge avec Nicole Kidman et Ewan McGregor neuf ans plus tard.

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Many Saints of Newark – Une histoire des Soprano ★★☆☆

Many Saints of Newark a pour héros, à la fin des 60ies, à Newark dans le New Jersey, le mafioso Dickie Montisanti. Son frère, qui purge une longue peine, est le père de Tony Soprano – qui deviendra quelques années plus tard le capo de la famille DiMeo – un adolescent particulièrement éveillé qui considère Dickie comme son père de substitution. Le père de Dickie s’est remarié avec une jeune napolitaine, Giuseppina, dont Dickie tombe amoureux. Pendant ce temps, les tensions raciales s’accentuent dans la ville et les règlements de compte entre clans rythment la vie quotidienne des Montisanti et des Soprano.

Tous les fans de la série l’attendaient depuis longtemps : le prequel des Soprano est enfin arrivé sur les écrans, après bien des retards causés par le Covid. Le scénario a été écrit par David Chase, le créateur de la série télévisée, et la réalisation assurée par Alan Taylor qui en avait déjà dirigé plusieurs épisodes. Le rôle du jeune Tony Soprano a été confié à Michael Gandofini dont la ressemblance avec son père, James, décédé en 2013, est frappante.

Les fans en auront pour leur argent. Ils retrouveront avec délice l’atmosphère de la série, la vie en apparence très banale de cette communauté italo-américaine toujours suspendue à des épisodes aussi inattendus que perturbants d’extrême violence.
Quant aux autres, à ceux qui n’auraient pas vu la série ou à ceux qui comme moi – et j’ai conscience en en faisant l’aveu d’être ultra-minoritaire – l’ont vue sans la porter au pinacle, ils risquent d’être déçus. Ils ne saisiront pas toutes les subtiles allusions du film (c’est en lisant le dossier de presse que j’ai compris que sa dernière scène se déroule dans le même restaurant que l’ultime scène de la saison 6 de la série). Et, pour les mêmes raisons que la série les aura déçus – son faux rythme, l’accumation des mêmes situations répétitives, sa galerie de portraits caricaturaux de porte-flingue sadiques et d’épouses dépressives – ils trouveront que ce film ne présente guère d’originalité.

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A Bigger Splash (1974) ★☆☆☆

En 1974, au faîte de sa gloire, David Hockney fait réaliser par son ami Jack Hazan un film-documentaire où il joue entouré de ses proches. Son fil rouge sera la fin de sa liaison avec son modèle, Peter Schlesinger, et la réalisation (en fait quelques années plus tôt en 1967) de la toile qui l’a rendu célèbre A Bigger Splash.

A sa sortie, A Bigger Splash reçut un accueil enthousiaste. La raison en était triple. La première était la découverte de David Hockney, de son travail, de son intimité. La seconde était le Swinging London qui lançait ses derniers feux avant de somber dans l’hiver du mécontentement. La troisième, la plus importante peut-être, était l’audace des scènes d’amour gay jusqu’alors jamais filmées.

Ces trois motifs ont largement perdu de leur actualité près de cinquante ans plus tard. Certes, l’œuvre de David Hockney reste toujours aussi passionnante ; mais, pour y plonger, je recommande plutôt la remarquable biographie de Catherine Cusset. Il y a belle lurette que Londres ne swingue plus. Quant à l’audace des scènes gay, elle ne choque ni n’émoustille plus personne – sauf peut-être les amateurs de porno gay vintage.

Triplement déçu, on s’ennuie trois fois plus.

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The Prison Experiment ★★☆☆

En 1971, à l’université de Stanford en Californie, le professeur Zimbardo a mené une expérience qui a mal tourné. Son hypothèse de travail était que la situation est plus déterminante que la personnalité des individus pour influencer leur comportement. Pour la démontrer il a réparti aléatoirement une population de dix-huit étudiants, recrutés par petites annonces, en deux groupes : un groupe de gardiens et un groupe de prisonniers. Les premiers, abusant de l’autorité arbitraire qui leur est conférée, vont très vite faire preuve de sadisme tandis que la plupart des seconds ont accepté les humiliations qu’ils ont subies.

L’expérience du professeur Zimbardo a défrayé la chronique. Elle divise encore la communauté scientifique qui remet en cause son protocole et ses conclusions. Elle a beaucoup inspiré le cinéma. Un film allemand a été tourné en 2001 par Olivier Hirschbiegel, le réalisateur de La Chute, tiré de Black Box, un roman de Marco Giordano très librement inspiré des faits. Ce film a d’ailleurs fait l’objet d’un remake américain en 2010 avec Adrien Brody.

Le film de 2015 de Kyle Patrick Alvarez rassemble autour de Billy Crudup qui interprète le professeur Zimbardo quelques uns des jeunes talents prometteurs de Hollywood : Tye Sheridan, qui jouera trois ans plus tard le rôle principal de Ready Player One de Steven Spielbergh, Ezra Miller, le héros inquiétant de We Need to Talk About Kevin, Olivia Thirlby…

The Prison Experiment a une grande qualité : sa fidélité aux faits qu’il reproduit scrupuleusement jusqu’à la tenue des matons, qui portaient des lunettes de soleil réfléchissantes pour éviter toute interaction visuelle avec les prisonniers, habillés d’une blouse, coiffés d’un bas nylon, désignés par leur matricule. Pendant les six jours que durera l’expérience, la tension montera, devenant vite irrespirable, illustrant ce que Zimbardo théorisera plus tard sous le nom révélateur d’effet Lucifer : n’importe quel individu placé dans une situation d’autorité peut se transformer en monstre sadique.

Mais cette fidélité est paradoxalement la principale faiblesse d’un film qui donne le sentiment, une fois terminé, qu’on aurait mieux utiliser son temps à lire la notice Wikipédia consacrée à l’expérience de Stanford plutôt qu’à le regarder.

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Outlaw King ★☆☆☆

Au tournant du XIVème siècle, l’Angleterre d’Edouard Ier, profitant d’une crise de succession à la tête du royaume d’Écosse, a progressivement mis la main sur son voisin septentrional. Mais le joug de Londres est mal ressenti par ce peuple viscéralement attaché à son indépendance.
Robert Bruce (Chris Pine) a dû faire allégeance au roi d’Angleterre. Mais dès 1306, il se met hors-la-loi en assassinant son rival John Comyn et en se faisant couronner roi d’Écosse. Edouard Ier vieillissant envoie son fils, le futur Edouard II (Billy Howle), mater la rébellion écossaise.

Outlaw King commence quasiment au moment de l’histoire d’Écosse où Braveheart, le film de 1995 de Mel Gibson (avec Sophie Marceau !) se terminait. On peut d’ailleurs le suspecter d’avoir voulu chasser sur les mêmes terres son succès public et critique en en reproduisant les mêmes ingrédients : une coûteuse reconstitution de l’Écosse médiévale, de la violence des combats qui l’opposa à l’Angleterre des Plantagenêts, de son irréductible nationalisme.

Le film produit par Netflix a coûté cent vingt millions de dollars. Et cet argent se voit. Le spectateur en prend plein les yeux devant la majestueuse beauté des paysages écossais et la sombre mêlée des armées en guerre. Son seul regret : ne pas pouvoir jouir du spectacle devant un grand écran.

Mais Outlaw King souffre de son académisme guindé. Rien ne dépasse dans sa reconstitution scrupuleuse du combat mené par Robert Bruce et sa poignée de desperados pour défendre son pays. Sans doute ce combat prend-il une résonnance particulière au lendemain du Brexit et du succès du SNP, le parti nationaliste favorable à un référendum qui, après celui de 2014 perdu d’un cheveu, pourrait ouvrir la voie de l’indépendance. Mais cette dimension-là ne suffit pas à elle seule à donner suffisamment d’intérêt à ce spectacle trop convenu.

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