Panique en cuisine pour Andy Jones (Stephen Graham), le chef étoilé d’un restaurant londonien à la mode. Sa seconde réclame une augmentation ; sa cheffe de salle a accepté plus de réservations que prévu ; une jeune stagiaire française peine à prendre ses marques ; une serveuse arrive en retard ; une cliente est allergique aux fruits à coques ; son ancien mentor débarque sans crier gare accompagné d’une critique culinaire impitoyable, etc. Et pendant ce temps, Andy Jones doit gérer au téléphone sa femme en plein divorce et son fils qui lui reproche son départ.
Le jeune réalisateur Philip Baratini avait travaillé comme serveur dans un restaurant pour payer ses études de cinéma. Il en a gardé l’idée de ce film, raccord à la mode des téléréalités culinaires qui font le succès des prime times de nos soirées télévisées, en France comme au Royaume-Uni.
Son idée de génie est de l’avoir tourné en un seul plan-séquence. Il ne s’agit pas seulement d’une prouesse technique. Il s’agit d’un procédé qui ici, plus encore peut-être que dans 1917, a du sens. Plus encore que la folle mission des deux héros du film de Sam Mendes entre les lignes ennemies, le « coup de feu » (le titre original anglais est Boiling Point) dans un restaurant est une course contre la montre sans temps mort ni répit. C’est un moment qui se prête particulièrement bien à un plan-séquence. D’autant que celui que tourne Philip Baratini est supérieurement intelligent. Au lieu de coller aux basques du seul chef Andy Jones, il virevolte d’un personnage à l’autre avec une belle élégance – et une organisation qu’on imagine diablement millimétrée.
The Chef encourt un seul reproche : c’est un film désagréable, un film énervant, un film stressant. Bien sûr, ce n’est pas rédhibitoire. Le cinéma n’a pas à être « plaisant ». Le cinéma a le droit – il en a peut-être même le devoir – de nous déplaire, de nous choquer, de nous sortir de notre zone de confort. Si on refuse ce cinéma-là, autant aller regarder des chatons-mignons sur Insta. Pour autant, il faut savoir, en entrant dans la salle voir The Chef, qu’on y passera un sale moment, sans répit, sans oxygène, de la première à la dernière seconde. Amateurs de feel-good movies, passez votre chemin.