Jessica Comley (Vicky Krieps) est garde-frontière en Arizona. Cette jeune femme solitaire et silencieuse, fille de parents divorcés, très proche de sa belle-soeur qui se meurt d’un cancer, est tout entière investie dans sa tâche : pour elle, rien ne compte si ce n’est traquer les immigrants latino-américains qui essaient de franchir le mur qui sépare le Mexique des Etats-Unis.
The Wall est un film dérangeant. C’est l’oeuvre d’un cinéaste belge engagé, Philippe Van Leeuw qui, dans ses deux précédents films, s’était intéressé aux victimes de la guerre en Syrie (Une famille syrienne) et du génocide au Rwanda (Le Jour où Dieu est parti en voyage). On comprend que son but est de dénoncer la politique migratoire des Etats-Unis, au moment même où la réélection de Donald Trump laisse augurer son probable durcissement.
Mais sa façon de le faire désarçonne. Il choisit de se mettre du côté du bourreau et non des victimes. Et il confie le rôle du bourreau à l’une des actrices les plus délicates, les plus douces qui soient, la gracile Vicky Krieps. L’acrice est si gracile, si fragile qu’elle inspire une empathie immédiate. Pourtant elle joue le rôle d’un monstre, animée d’une rage sourde contre les migrants qu’elle traque. Elle en a sans doute hérité d’un père dont on comprend à demi-mot qu’il sert de guide à des Américains venus pratiquer une sordide chasse à l’homme à la frontière.
Le superviseur de Jessica lui assigne un co-équipier pour tempérer son zèle. La patrouille croise le chemin d’un Indien, de son petit-fils et de deux migrants mal en point auxquels ils voulaient porter secours. La situation dégénère. On n’en dira pas plus sinon que l’histoire est ténue et que sa pauvreté peine à faire tenir le film debout.
Mais tel n’est pas à mes yeux le principal défaut de The Wall – un titre au demeurant tellement connoté qu’on aurait pu attendre des producteurs qu’ils en proposent un autre. J’ai été plus dérangé par le personnage de Jessica à laquelle le scénario semble chercher des circonstances atténuantes pour expliquer son racisme viscéral. On la voit témoigner envers sa belle-soeur agonisante et de ses deux jeunes enfants d’une douceur désarmante qui contraste avec l’inhumanité dont elle fait preuve dans son travail. Pourquoi ? Pour nous montrer que les bourreaux sont aussi des êtres humains ? pour excuser leur comportement inadmissible ?