Un parfait inconnu (Timothée Chalamet) débarque à New York début 1961, muni de sa seule guitare. Il dit s’appeler Bob Dylan et venir du Minnesota. Il rend visite à son idole, Woody Guthrie, hospitalisé dans le New Jersey. À son chevet, il fait la connaissance de Pete Seeger (Edward Norton) qui le prend sous sa coupe et lui ouvre les portes de Greenwich Village. Sa route croisera celle de Joan Baez (Monica Barbaro) avec laquelle il aura une liaison orageuse. Bob Dylan acquiert vite une célébrité qui l’embarrasse.
Encore un biopic, soupire-t-on ! Celui-ci joue autant sur la célébrité du héros dont il raconte quatre années de la vie depuis son arrivée à New York début 1961 jusqu’à la rupture radicale de style qu’il s’autorise en 1965 à Newport en troquant sa vieille guitare acoustique pour une guitare électrique, que sur la célébrité de son interprète, Timothée Chalamet, icône gender fluid d’une nouvelle virilité détestéronée.
Mon (gros) problème face à ce film est que je n’aime pas Bob Dylan…. et que je n’aime guère plus Timothée Chalamet. Ma confession rend très subjectives les lignes assassines qui vont suivre et devrait inciter ceux (et celles) qui aiment Dylan et/ou Chalamet à ne pas renoncer à voir ce biopic sur la seule foi de mon avis.
Tout m’y a semblé lourdingue. À commencer par la façon dont Chalamet s’est glissé dans la peau de ce personnage ou plutôt dont il s’est glissé dans ses habits, car tout chez lui semble passer plus que par le jeu, inexistant, par les costumes. Dès la première image, on le voit, la guitare jetée sur l’épaule, le velours scrupuleusement élimé aux coutures, la casquette gavroche vissée sur la tête, le jean effrangé juste au dessus des santiags. Tout sonne si juste dans cette photo de mode qu’elle sonne horriblement faux !
Si certains biopics laissent trop peu de place aux œuvres de l’artiste dont ils racontent la vie, celui-ci verse dans l’excès inverse. On entend un nombre incroyable de chansons de Bob Dylan. Je trouve – au risque de me faire lyncher par beaucoup – qu’elles se ressemblent toutes. On a l’impression que le scénariste s’est creusé la tête pour trouver une histoire à raconter qui ait un écho avec leurs paroles. On a surtout celle désagréable d’être devant un juke-box déréglé et de se faire refourguer un long clip vidéo alors qu’on a payé pour voir un film.
On ne sait pas d’où vient Bob Dylan. On ne sait pas où il va. Il se contente d’être là, uniquement obnubilé par sa guitare dont il tire les mêmes accords répétitifs, et par les textes qu’il gribouille à toute heure du jour et de la nuit. Son personnage est décidément un goujat. Quelques femmes croisent sa route, qu’il embrasse avec la fougue d’un chicon trop tôt fauché. La malheureuse Elle Fanning est condamnée, malgré sa joliesse, à répéter en boucle la même scène où ses yeux s’embuent face à son amoureux qui la fuit. Le rôle de Monica Barbaro, qui chante divinement bien (est-elle doublée ou est-ce elle qu’on entend ?) aurait pu être plus complexe mais échoue à donner un sens à cette complexité. Ne parlons pas de la malheureuse Laura Kariuki, condamnée à un rôle de figuration.
Quant au scénario, lui aussi fait du sur-place. Raconte-t-il la tentative (ratée) de Bob Dylan d’abandonner la musique folk pour le rock’n roll et de « devenir électrique », pour reprendre le titre intraduisible de l’ouvrage Dylan Goes Electric d’Elijah Wald ? Ou bien celle d’un homme ordinaire qui vit mal sa soudaine célébrité et qui entretiendrait le rêve secret de demeurer « un parfait inconnu », comme le titre du film de James Mangold nous le laisse lourdement augurer ? Les deux sans doute….