La Fabrique du mensonge ★★☆☆

Les films sur la Seconde Guerre mondiale sont légion ; mais rares sont ceux qui choisissent de se focaliser sur les chefs nazis. La Chute (2004), sur les derniers jours d’Hitler dans le bunker de Berlin, fait exception ; l’interprétation de Bruno Ganz a durablement marqué les esprits.

Joachim A. Lang a choisi de s’intéresser à Joseph Goebbels, le ministre de la propagande du Reich. Le titre original allemand est particulièrement intelligent : Führer und Verführer, qui, jouant sur la paronymie, signifie « Le Führer et le séducteur ». À l’international, le film est diffusé sous le titre « Goebbels and the Führer ». Le titre français est moins immédiatement compréhensible qui renvoie à un sujet d’une brûlante actualité : la propagande, la fabrication de fausses nouvelles et la manière dont un régime autoritaire utilise l’information pour manipuler l’opinion publique.

Ce constant rappel de l’actualité du sujet – la célèbre citation de Primo Levi « C’est arrivé et tout cela peut arriver de nouveau » est martelée au début et à la fin du film pour nous rentrer dans la tête – n’est pas la dimension la plus pertinente de ce film. Comme si la Seconde Guerre mondiale et les délires du régime nazi ne se suffisaient pas à eux seuls pour nourrir la mouture d’un film.

Pour l’historien, comme pour le cinéphile, est autrement plus intéressante la description de la garde rapprochée du Führer, aveuglément fidèle à son chef, mais divisée par de sourdes rivalités. Dans cet aréopage exclusivement masculin, Joseph Goebbels est un personnage à part. Affligé d’une maladie osseuse qui le privera de l’usage de son pied droit, il est réformé en 1914 et ne peut se parer, comme Goering, son ennemi intime, du titre d’ancien combattant. De petite taille (il mesure 1m65 à peine), il est bien loin des canons de beauté de la race aryenne. Rallié de la première heure au NSDAP, il a en charge la propagande qu’il manie avec une maîtrise éprouvée pour permettre l’accession de Hitler au pouvoir en 1933 puis le durcissement de la dictature.

La Fabrique du mensonge puise dans une documentation abondante, notamment dans le Journal de Goebbels. Il fait alterner des images de fiction et des images d’archives – telles que le fameux discours de 1943 au palais des sports de Berlin.

Contrairement à l’idée qu’on pouvait s’en faire, Goebbels n’a pas été toujours en accord avec Hitler. Le film montre par exemple ses réticences au bellicisme à tout crin du Führer à partir de 1938, le ministre de la Propagande ayant bien senti que l’opinion publique allemande y était réticente. Mais la dévotion au Führer pour lequel Goebbels nourrissait un amour quasi-filial finissait toujours par l’emporter.

On découvre aussi le couple qu’il formait avec Magda, érigé en modèle dans l’Allemagne nazie, avec leurs six enfants adorables. Il a en fait connu bien des déboires. Goebbels a bien failli divorcer en 1938 pour épouser une actrice tchèque, Lída Baarová, mais en a été empêché par Hitler lui-même. La scène est presque comique qui voit le Führer, en plein préparatifs de guerre, devoir intercéder entre Joseph et Magda fermement décidés à se séparer. Et la figure de Magda, réduite à cause des conditions de son suicide, à une nazie chevronnée et une mère sacrificielle, apparaît autrement plus complexe dans le film.

La Fabrique du mensonge n’atteint pas son double but affiché : nous expliquer comment l’information est manipulée et nous prémunir contre le risque de bégaiement de l’Histoire. Mais il réussit fort bien à décrire l’une des figures les plus célèbres mais aussi les moins connues de l’entourage d’Hitler.

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *