Shigeru est sourd muet. Il travaille comme éboueur dans une petite ville côtière. Un jour, il récupère une planche de surf mise au rebut, la répare et décide de s’essayer à ce sport. Son amie Takako, sourde-muette elle aussi, l’accompagne.
A Scene at the Sea est ressorti l’été dernier sur les écrans. On se demande bien pourquoi. C’est l’un des tout premiers films de Takeshi Kitano, réalisé en 1991 mais sorti en France en juin 1999 seulement alors que la renommée du réalisateur ne cessait de croître (Hana-Bi était sorti à l’automne 1997 et L’Été de Kikujiro sortirait à l’automne 1999).
A Scene at the Sea ne ressemble pas aux films de Kitano, peuplés de yakuzas violents et déprimés. D’ailleurs le réalisateur – qui joue dans la quasi-totalité de ses films – n’y apparaît même pas. Pour autant, ce n’est pas une aberration dans sa filmographie car sa patte s’y décèle immédiatement.
Il y a d’abord cet humour pince-sans-rire qu’on retrouve dans tous ses films, qui frôle parfois la bouffonnerie. On en trouve ici la trace dans la troupe de jeunes qui accompagne Shigeru sur les plages, avec ce duo comique de surfeurs maladroits qui accumulent les chutes et les gaffes.
Il y a ensuite cette fascination de Kitano pour les plages où il pose, plus souvent qu’à son tour, sa caméra. La mer emplit l’écran. Sa lumière l’illumine, sans jamais verser dans une esthétique de carte postale. Car il ne s’agit pas des plages paradisiaques d’Okinawa filmées dans Sonatine, mais de plages de sable noir, sans attrait particulier.
Il y a enfin et surtout la tendresse du réalisateur dans sa façon de filmer ses personnages. En faisant des deux héros des sourds-muets, Kitano se condamne à tout faire passer par l’image. Aucune parole pour éclairer ou donner du sens à la relation amoureuse qui les unit. Elle n’en reste pour autant pas moins lisible : Takako soutient Shigeru dans sa nouvelle passion au risque d’être reléguée.
La fin du film est déroutante. À la fois tragique et légère. Éclairée par quelques cartes postales qu’on croirait tirées du making of mais qui nous ramènent à la nostalgie d’un couple hors norme.