Voici enfin la Palme d’Or 2017. Le public plébiscitait 120 battements par minute, Faute d’amour ou Les proies. Le jury présidé par Pedro Almodovar leur a préféré ce film suédois d’un réalisateur peu connu au sujet ingrat. Ce refus de la facilité force l’admiration. Mais il ne suffit pas pour emporter l’adhésion.
The Square arrive sur nos écrans avec un parfum de scandale. Comme les romans de Houellebecq, comme les films de Haneke, The Square est censé choquer le bourgeois en soulignant ses contradictions.
C’est autour de Christian, le héros, que le film gravite – au point d’effacer tous les rôles secondaires (même hélas celui de Elisabeth Moss remarquée dans les séries Mad Men et Top of the lake). Le Danois Claes Bang est censé incarner le mâle suédois contemporain et toutes ses certitudes inébranlables. À la tête du musée d’art moderne de Stockholm, Christian est un quadragénaire de son temps : divorcé, père de deux filles, séduisant et séducteur, ouvert d’esprit et ouvert aux autres, à la pointe de l’avant-garde artistique. Mais une série d’événements vont mettre à mal son humanisme : le vol de son portefeuille, la désastreuse campagne publicitaire de la prochaine exposition de son musée, une nuit d’amour ratée avec une journaliste américaine…
Avec ses faux airs de James Bond, Claes Bang promène la même mimique mal réveillée durant tout le film alors que le réalisateur était censé nous montrer la transformation d’un homme. Ce jeu monotone est l’écho d’une faiblesse du scénario : son immobilisme. The Square n’est pas tant l’histoire d’une évolution qu’une accumulation de saynètes. Une succession de nouvelles – certes fédérées autour d’un même thème – plutôt qu’un roman. Certaines sont plus réussies que d’autres : on n’oubliera pas de sitôt ce dîner d’inauguration collet-monté au cours duquel un performer mime le comportement d’un singe dominant en terrifiant les participants. Le problème de cette scène d’anthologie est qu’elle figure déjà sur l’affiche du film, que sa bande-annonce en a montré de larges extraits et qu’elle s’étire beaucoup trop longtemps.
On imagine volontiers ce qu’un réalisateur de la puissance de Haneke aurait fait du désir de vengeance de Christian après qu’il s’est fait volet son portefeuille. On est frappé de la pauvreté de sa réaction et des conséquences finalement limitées qu’elle provoque. Alors qu’il s’agissait du principal ressort du film, de son fil narratif censé le tenir en tension pendant plus de deux heures, cette intrigue sans intérêt fait vite long feu.
Au lieu de la satire annoncée de la bien-pensance de nos sociétés sociales-démocrates, The Square se révèle au bout du compte un film trop long sur la crise de la quarantaine d’un Édouard Baer suédois.