Tharlo alias « Petite-natte » doit aller à la ville pour s’y faire tirer le portrait afin d’obtenir une carte d’identité. Il y rencontre une coiffeuse qui passe avec lui une soirée bien arrosée et lui propose au petit matin de changer de vie. La suggestion fait son chemin dans l’esprit du berger tibétain…
Tharlo, le berger tibétain est une curiosité : un film droit venu des hauts plateaux tibétains, tourné par un cinéaste dont on apprend qu’il s’agit de la quatrième réalisation mais dont aucune n’avait jamais jusqu’alors été distribuée en France. Les occasions sont suffisamment rares d’entendre cette langue et de voyager sous ses latitudes pour laisser passer cette curiosité.
Un film tibétain ? en noir et blanc ? quasi-muet ? en longs plans fixes ? dont le principal héros est un berger solitaire et alcoolique ? J’entends d’ici vos sarcasmes railleurs.
Je l’aurai bien cherché. Et hélas, force m’est de reconnaître que vos sarcasmes ne sont pas sans fondement. Si j’étais un poète, si j’étais un esthète, j’aurais été enthousiasmé par le destin minuscule de Tharlo et les paysages majuscules de l’immensité tibétaine filmés en long plan fixe. J’aurais été touché par cet homme hypermnésique dont le communisme n’a pas su faire fructifier les talents et l’a condamné à vivre seul au milieu de ses bêtes. J’aurais été révolté par un système sans âme qui dénie à « Petite-natte » son nom, sa chevelure et finalement sa place dans la société.
Mais je suis un spectateur de chair et d’os que le spectacle, pendant plus de deux heures, d’interminables plans-fixes, étirés au-delà du soutenable, a torturé. Un spectateur qui a passé la quasi-totalité du film à surfer sur son portable (le MK2 Beaubourg, où il était diffusé quand j’ai vu ce film à sa sortie début 2018, bénéficiait de la Wifi de Leroy-Merlin) sans rien manquer d’une histoire qui se traînait en longueur. Un spectateur qui espérait voir le Tibet et n’en a aperçu que les salons de coiffure étriqués et les karaokés enfumés. Un spectateur frustré d’avoir perdu son temps et honteux de n’être ni poète ni esthète.