En attendant le carnaval ★★☆☆

Le petit village de Toritama au nord-est du Brésil est la « capitale du jean ». Chaque année, près de vingt millions de paires en sont produites par une immense main d’œuvre industrieuse dont le seul loisir, le seul moment de détente dans l’année est le carnaval qu’elle va passer au bord de l’océan tout proche.

En allant voir ce documentaire brésilien, on escompte volontiers un énième témoignage sur les conditions de travail quasi-esclavagistes d’un lumpenprolétariat asservi à des cadences infernales, leurré par la perspective lointaine d’un loisir frelaté. Panem et circenses. La réalité est plus complexe.

L’industrie du jean à Toritama est organisée autour de mini-structures unipersonnelles. Chaque travailleur est son propre patron. Mais cette autonomie est vaine. Obnubilés par l’appât du gain, les travailleurs n’en profitent pas et se soumettent d’eux-mêmes aux pires conditions de travail.

Du coup, l’impression qu’on retire de ce documentaire est très ambigüe. On peut bien sûr s’insurger de cet énième ruse de l’hypercapitalisme qui, sous couvert de redonner leur autonomie aux travailleurs, n’en a pas pour autant allégé leur servitude. On peut aussi se lamenter de l’état d’esprit de ces hommes et ces femmes, de leur obsession pour l’argent, de leur incapacité à rompre les chaînes qui les entravent.

Et puis, on peut voir dans la préparation du carnaval, dans les comportements irrationnels de ces travailleurs qui vendent leurs biens de première nécessité, qui sacrifient l’épargne patiemment accumulée pour se payer ces trop rares vacances, un pied de nez à la loi d’airain du capitalisme, un sursaut de vie, toujours plus fort que la logique de l’argent.

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *