Ballroom Dancing (1992) ★★☆☆

Scott Hastings (Paul Mercurio) est un danseur de salon qui, depuis son enfance, poussé par une mère tyrannique, elle-même professeure de danse et ancienne professionnelle, rêve de remporter le plus prestigieux concours : le Pan-Pacific. Mais, le carcan étriqué des règles de la discipline l’étouffe. Il brûle de le faire éclater avec des chorégraphies inédites. Effrayée par tant d’audace, sa partenaire le quitte. Il faut d’urgence en trouver à Scott une nouvelle. C’est le moment que choisit Fran (Tara Morice), une jeune femme sans grâce cachée derrière d’immenses lunettes difformes, pour lui faire des avances. Son père, immigré espagnol, s’avère être un exceptionnel danseur qui entraîne le couple en vue de la compétition, sans souci du règlement.
Mais alors que le grand jour approche, le passé familial que Scott découvre le place face à un dilemme déchirant : écoutera-t-il les sages conseils de sa mère ou l’appel de l’amour ?

L’Australien Baz Luhrmann est pour moi le réalisateur indépassable de Romeo + Juliet, un des films les plus intelligents et les plus sensibles qui soient, qui a réussi à redonner une seconde vie à la pièce de théâtre la plus célèbre au monde.

Il n’a pas trente ans quand il signe son premier film sur un sujet qu’il connaît bien : la danse de salon que ses parents pratiquaient en semi-professionnels. Il aurait pu lui consacrer un documentaire sur son kitsch assumé, sur son esthétique démodée. Il lui préfère une fiction au scénario à l’eau-de-rose, sauvé par son second degré et son humour en demi-teinte. Ne lui jetons pas la pierre : Dirty Dancing suivait, cinq ans plus tôt, quasiment le même scénario, avec le succès mondial que l’on sait.

Ballroom Dancing ne vaut guère par ses interprètes qui manquent désespérément de charisme. D’ailleurs aucun d’eux ne fera carrière. Mais l’énergie qu’ils déploient dans leurs chorégraphies endiablées les excuse, qui annonce les débordements de Moulin Rouge avec Nicole Kidman et Ewan McGregor neuf ans plus tard.

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Many Saints of Newark – Une histoire des Soprano ★★☆☆

Many Saints of Newark a pour héros, à la fin des 60ies, à Newark dans le New Jersey, le mafioso Dickie Montisanti. Son frère, qui purge une longue peine, est le père de Tony Soprano – qui deviendra quelques années plus tard le capo de la famille DiMeo – un adolescent particulièrement éveillé qui considère Dickie comme son père de substitution. Le père de Dickie s’est remarié avec une jeune napolitaine, Giuseppina, dont Dickie tombe amoureux. Pendant ce temps, les tensions raciales s’accentuent dans la ville et les règlements de compte entre clans rythment la vie quotidienne des Montisanti et des Soprano.

Tous les fans de la série l’attendaient depuis longtemps : le prequel des Soprano est enfin arrivé sur les écrans, après bien des retards causés par le Covid. Le scénario a été écrit par David Chase, le créateur de la série télévisée, et la réalisation assurée par Alan Taylor qui en avait déjà dirigé plusieurs épisodes. Le rôle du jeune Tony Soprano a été confié à Michael Gandofini dont la ressemblance avec son père, James, décédé en 2013, est frappante.

Les fans en auront pour leur argent. Ils retrouveront avec délice l’atmosphère de la série, la vie en apparence très banale de cette communauté italo-américaine toujours suspendue à des épisodes aussi inattendus que perturbants d’extrême violence.
Quant aux autres, à ceux qui n’auraient pas vu la série ou à ceux qui comme moi – et j’ai conscience en en faisant l’aveu d’être ultra-minoritaire – l’ont vue sans la porter au pinacle, ils risquent d’être déçus. Ils ne saisiront pas toutes les subtiles allusions du film (c’est en lisant le dossier de presse que j’ai compris que sa dernière scène se déroule dans le même restaurant que l’ultime scène de la saison 6 de la série). Et, pour les mêmes raisons que la série les aura déçus – son faux rythme, l’accumation des mêmes situations répétitives, sa galerie de portraits caricaturaux de porte-flingue sadiques et d’épouses dépressives – ils trouveront que ce film ne présente guère d’originalité.

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A Bigger Splash (1974) ★☆☆☆

En 1974, au faîte de sa gloire, David Hockney fait réaliser par son ami Jack Hazan un film-documentaire où il joue entouré de ses proches. Son fil rouge sera la fin de sa liaison avec son modèle, Peter Schlesinger, et la réalisation (en fait quelques années plus tôt en 1967) de la toile qui l’a rendu célèbre A Bigger Splash.

A sa sortie, A Bigger Splash reçut un accueil enthousiaste. La raison en était triple. La première était la découverte de David Hockney, de son travail, de son intimité. La seconde était le Swinging London qui lançait ses derniers feux avant de somber dans l’hiver du mécontentement. La troisième, la plus importante peut-être, était l’audace des scènes d’amour gay jusqu’alors jamais filmées.

Ces trois motifs ont largement perdu de leur actualité près de cinquante ans plus tard. Certes, l’œuvre de David Hockney reste toujours aussi passionnante ; mais, pour y plonger, je recommande plutôt la remarquable biographie de Catherine Cusset. Il y a belle lurette que Londres ne swingue plus. Quant à l’audace des scènes gay, elle ne choque ni n’émoustille plus personne – sauf peut-être les amateurs de porno gay vintage.

Triplement déçu, on s’ennuie trois fois plus.

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The Prison Experiment ★★☆☆

En 1971, à l’université de Stanford en Californie, le professeur Zimbardo a mené une expérience qui a mal tourné. Son hypothèse de travail était que la situation est plus déterminante que la personnalité des individus pour influencer leur comportement. Pour la démontrer il a réparti aléatoirement une population de dix-huit étudiants, recrutés par petites annonces, en deux groupes : un groupe de gardiens et un groupe de prisonniers. Les premiers, abusant de l’autorité arbitraire qui leur est conférée, vont très vite faire preuve de sadisme tandis que la plupart des seconds ont accepté les humiliations qu’ils ont subies.

L’expérience du professeur Zimbardo a défrayé la chronique. Elle divise encore la communauté scientifique qui remet en cause son protocole et ses conclusions. Elle a beaucoup inspiré le cinéma. Un film allemand a été tourné en 2001 par Olivier Hirschbiegel, le réalisateur de La Chute, tiré de Black Box, un roman de Marco Giordano très librement inspiré des faits. Ce film a d’ailleurs fait l’objet d’un remake américain en 2010 avec Adrien Brody.

Le film de 2015 de Kyle Patrick Alvarez rassemble autour de Billy Crudup qui interprète le professeur Zimbardo quelques uns des jeunes talents prometteurs de Hollywood : Tye Sheridan, qui jouera trois ans plus tard le rôle principal de Ready Player One de Steven Spielbergh, Ezra Miller, le héros inquiétant de We Need to Talk About Kevin, Olivia Thirlby…

The Prison Experiment a une grande qualité : sa fidélité aux faits qu’il reproduit scrupuleusement jusqu’à la tenue des matons, qui portaient des lunettes de soleil réfléchissantes pour éviter toute interaction visuelle avec les prisonniers, habillés d’une blouse, coiffés d’un bas nylon, désignés par leur matricule. Pendant les six jours que durera l’expérience, la tension montera, devenant vite irrespirable, illustrant ce que Zimbardo théorisera plus tard sous le nom révélateur d’effet Lucifer : n’importe quel individu placé dans une situation d’autorité peut se transformer en monstre sadique.

Mais cette fidélité est paradoxalement la principale faiblesse d’un film qui donne le sentiment, une fois terminé, qu’on aurait mieux utiliser son temps à lire la notice Wikipédia consacrée à l’expérience de Stanford plutôt qu’à le regarder.

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Outlaw King ★☆☆☆

Au tournant du XIVème siècle, l’Angleterre d’Edouard Ier, profitant d’une crise de succession à la tête du royaume d’Écosse, a progressivement mis la main sur son voisin septentrional. Mais le joug de Londres est mal ressenti par ce peuple viscéralement attaché à son indépendance.
Robert Bruce (Chris Pine) a dû faire allégeance au roi d’Angleterre. Mais dès 1306, il se met hors-la-loi en assassinant son rival John Comyn et en se faisant couronner roi d’Écosse. Edouard Ier vieillissant envoie son fils, le futur Edouard II (Billy Howle), mater la rébellion écossaise.

Outlaw King commence quasiment au moment de l’histoire d’Écosse où Braveheart, le film de 1995 de Mel Gibson (avec Sophie Marceau !) se terminait. On peut d’ailleurs le suspecter d’avoir voulu chasser sur les mêmes terres son succès public et critique en en reproduisant les mêmes ingrédients : une coûteuse reconstitution de l’Écosse médiévale, de la violence des combats qui l’opposa à l’Angleterre des Plantagenêts, de son irréductible nationalisme.

Le film produit par Netflix a coûté cent vingt millions de dollars. Et cet argent se voit. Le spectateur en prend plein les yeux devant la majestueuse beauté des paysages écossais et la sombre mêlée des armées en guerre. Son seul regret : ne pas pouvoir jouir du spectacle devant un grand écran.

Mais Outlaw King souffre de son académisme guindé. Rien ne dépasse dans sa reconstitution scrupuleuse du combat mené par Robert Bruce et sa poignée de desperados pour défendre son pays. Sans doute ce combat prend-il une résonnance particulière au lendemain du Brexit et du succès du SNP, le parti nationaliste favorable à un référendum qui, après celui de 2014 perdu d’un cheveu, pourrait ouvrir la voie de l’indépendance. Mais cette dimension-là ne suffit pas à elle seule à donner suffisamment d’intérêt à ce spectacle trop convenu.

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L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune (1973) ★★☆☆

Marco (Marcello Mastroianni) et Irène (Catherine Deneuve) vivent heureux à Paris avec leur fils Lucas. Lui est moniteur d’auto-école ; elle tient un salon de coiffure et rêve de s’agrandir. Mais la santé de Marco lui donne des soucis. Sur les objurgations de sa femme, il finit par consulter. Son généraliste (Micheline Presle), perplexe, le renvoie chez un spécialiste qui rend un verdict sans appel : Marco est enceint.e. de quatre mois.

Au début des années soixante-dix, Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni, chacun au sommet de leur gloire, forment le couple le plus glamour qui soit. Inséparables à la ville comme à l’écran, ils viennent de tourner ensemble sous la direction de Nadine Trintignant et de Marco Ferreri. Ils acceptent la proposition de Jacques Demy – qui vient de diriger Deneuve dans Peau d’âne avec le succès que l’on sait – de tourner l’un de ses scénarios. Même si seuls leurs noms sont à l’affiche, ils s’entourent d’une brochette de seconds rôles épatants : Micheline Presle, Alice Sapritch, Micheline Dax, Maurice Biraud (on reconnaît même Elizabeth Teissier, la future astrologue, dans le rôle de l’assistante courte vêtue du professeur de gynécologie).

Le pitch de L’Événement … est aussi drôle qu’efficace. Deux voies s’ouvraient à Jacques Demy pour l’exploiter. La première, hollywoodienne, tirant sur le thriller ou le film d’espionnage, aurait été de transformer le parturient en enjeu d’une compétition internationale pour le kidnapper et percer les motifs de son état. Le second, plus modeste était d’en faire une comédie où la condition surprenante du héros aurait provoqué autant de quiproquos.

Jacques Demy, par manque de moyen, par tradition française, penche pour le second ; mais il ne tire pas de cette situation pourtant si fertile en rebondissements tout le parti qu’on aurait pu imaginer. La mine déconfite de Marcello Mastroianni apprenant son état provoque le seul rire d’un film dont on pouvait légitimement escompter qu’il en provoque bien d’autres. Plutôt que de verser dans un registre franchement comique – qui n’a au demeurant jamais été le sien – Demy préfère la comédie de mœurs, parsemant l’histoire de cette grossesse de réflexions à front renversé sur la condition féminine et l’égalité des sexes.

Volontiers féministe, L’Événement … réussit paradoxalement à être gentiment démodé et en avance sur son temps.

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Storia di Vacanze ★★☆☆

Dans une banlieue pavillonnaire de Rome, l’été s’annonce torride. Les parents dînent ensemble en terrasse. Leurs enfants, Dennis, Alessia, Viola, Geremia, Ada, ont le même âge et fréquentent le même collège. Tout est calme en apparence.

Les frères d’Innocenzo avaient fait une entrée remarquée dans le cinéma italien contemporain avec leur premier film, en 2018, Frères de sang, un polar familial, sec et violent, dans la veine de Gomorra, Suburra ou Dogman. C’est à une autre veine qu’ils empruntent ici, dans un film très lisse, presqu’aseptisé, dont l’objet est de maintenir une tension permanente en filmant des scènes en apparence anodines.

Storia di Vacanze (qui a failli être diffusé en France sous le titre « Sages comme une image ») met face à face des parents et des enfants. Les parents sont d’une stupidité crasse, d’une violence psychologique et parfois physique, révoltante. On ne peut que compatir pour ces enfants plongés dans un milieu aussi toxique dont on redoute la violence inéluctable de la réaction.

On pense au cinéma de Todd Solondz ; on pense à la violence qui couve sous la cendre des films de Michael Haneke, et en particulier à l’intolérable Funny Games ; on pense aussi à L’Heure de la sortie, ce petit film français où Laurent Lafitte jouait le rôle d’un professeur dans un collège dont les élèves surdoués fomentaient un projet apocalyptique.

Storia di Vacanze repose sur une logique scénaristique qui n’est pas facile à tenir : il faut filmer pendant une heure trente des scènes badines tout en créant une ambiance malaisante qui laisse augurer le déchaînement de violence finale, dont on laisse au spectateur le soin de deviner sa nature en lui proposant autant de fausses pistes. Le procédé est exposé à un double risque : celui d’être très ennuyeux pendant la quasi-totalité du film, celui, au moment du dénouement (un peu comme dans les polars au moment où l’identité du meurtrier et ses mobiles sont découverts) de nous décevoir. Les frères d’Innocenzo semblent d’ailleurs ne pas savoir comment se dépêtrer au point de nous proposer deux fins alternatives, aussi glaçantes l’une que l’autre.

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Five ★☆☆☆

Cinq copains d’enfance sont unis par une amitié indéfectible : Samuel (Pierre Niney) dont la pension que lui verse aveuglément son père, qui l’imagine étudier la médecine alors que Samuel rêve de devenir comédien, permet de faire vivre la bande, Timothée (François Civil), perdu dans les vapeurs de la beuh, Julia (Margot Bancilhon), la fille de la bande, Vadim (Igor Gotesman qui a écrit le scénario du film et signe sa réalisation et qui, du coup, s’arroge logiquement le privilège de ken la blonde du groupe) et Nestor (Idrissa Hanrot), dragueur compulsif hanté par un complexe d’Œdipe mal résorbé. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour cette bande de joyeux drilles si le père de Samuel ne lui coupait brutalement sa rente l’obligeant, pour payer le loyer du luxueux appartement où il héberge ses amis, à une fuite en avant dans le deal de shit bien vite périlleuse.

Five – qui se serait volontiers intitulé La Bande des Cinq si le titre n’avait pas été préempté – carbure aux bonne intentions : un film vantant les vertus de l’amitié adulescente façon Klapisch, un doigt – juste un doigt – d’humour régressif façon Apatow, quelques jeunes comédiens bankables au casting (même si Niney et Civil sont beaucoup trop doués pour ne pas éclipser leurs trois infortunés congénères), une BOF électro-pop signée Gush…

Mais ce n’est hélas pas avec de bonnes intentions qu’on fait un bon film. Il y faut aussi un scénario. Et c’est là que le bât blesse. Car après une première moitié sympathiquement menée où la découverte des cinq lascars et des pitreries de Niney et de Civil suffit à nous divertir, la seconde tourne à vide. Le scénario invente une histoire sans intérêt de livraison de drogue à fourguer d’urgence dont les développements laborieux, loin de relancer l’histoire, en soulignent cruellement l’inanité.

C’est dommage. Car on était prêt à se laisser emporter par le charme et l’humour de deux des acteurs les plus prometteurs de leur génération qui, à la sortie du film en 2016, étaient pour le premier au sommet de sa gloire (après son César 2015 pour Yves Saint Laurent ) et pour le second sur le point de l’atteindre (avant Burn Out et Le Chant du loup).

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The Rapture (1991) ★★☆☆

Sharon (Mimi Rogers), la trentaine, est consciente du néant de son existence. Le jour, elle travaille comme télé-opératrice dans un centre d’appels. La nuit, elle multiplie les expériences échangistes. Sa vie va prendre un tour nouveau quand elle rencontre Dieu et décide de l’accepter.
Elle se marie, a un enfant qu’elle élève dans une foi bigote et attend impatiemment le jour de l’Enlèvement. À son approche, elle décide de se rendre dans le désert avec sa fille.

The Rapture, diffusé en France sous les titres de Dernier Sacrifice ou Une femme envoûtée, est un film profondément américain qui renvoie à une dimension propre à l’évangélisme et absente du catholicisme : l’Enlèvement de l’Église ou le ravissement (en anglais : rapture) est la croyance selon laquelle les fidèles chrétiens seront brusquement enlevés de la terre et emportés hors de ce monde dans leur corps de chair pour rejoindre le Seigneur et les morts ressuscités “dans les airs”.

Le sujet, on s’en souvient, était au cœur de The Leftovers, une des séries les plus fascinantes qui fût. On le retrouve ici, dans ce film du début des années quatre-vingt-dix sans qu’on sache à quel degré il faut le prendre. Est-ce un film profondément religieux ? Ou s’agit-il au contraire d’une critique implacable des excès auxquels une foi fanatique conduit ? Rien ne permet avec certitude de le décider. Les scènes scabreuses de la première demi-heure (le film était interdit aux moins de seize ans en France) excluent qu’on puisse le projeter à des yeux innocents lors d’une séance de catéchisme. Pourtant le film est classé R (Restricted) aux États-Unis, une classification étonnamment laxiste de la part de la MPAA qu’on a connue plus bégueule.

L’héroïne est interprétée par Mimi Rogers, une actrice aujourd’hui oubliée qui connut son heure de gloire à la fin des années quatre-vingts, à l’époque où elle était mariée avec Tom Cruise. Son personnage est profondément ambigu. Est-elle une Marie-Madeleine en quête de sainteté ? ou une pécheresse condamnée par l’accumulation de ses vices à se voir refuser une impossible rédemption ?

Le risque est grand que les questions théologiques que soulèvent The Rapture et la façon dont le film y répond ne semblent passablement incompréhensibles sinon franchement grotesques à un auditoire européen laïcisé. Mais, si on accepte de passer par dessus ces obstacles, l’expérience peut être étonnante.

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Les Équilibristes ★★☆☆

La documentariste Perrine Michel filme les équipes de soignants de l’unité de soins palliatifs d’un hôpital parisien. Pendant son tournage, elle apprend que sa mère est atteinte d’un cancer de la gorge qui se révèlera vite incurable. Elle choisit alors un montage alterné : d’un côté les images de l’hôpital où elle prend vite le parti de se focaliser sur les soignants et de ne nous apprendre des patients que ce qui se dit d’eux lors des réunions médicales, de l’autre un spectacle chorégraphié (un « mouvement ») sur lequel est montée la voix de la réalisatrice, enregistrée en direct à l’occasion des longues conversations téléphoniques qu’elle a eues avec sa mère, avec son frère expatrié en Australie, avec sa sœur cadette, avec ses amis…

Juger un documentaire, c’est souvent juger le sujet qu’il traite. La fin de vie en est un bouleversant qui ne peut évidemment que susciter l’émotion et le recueillement.
Ceci étant dit, on peut porter deux regards radicalement différents sur ces Équilibristes – dont le titre renvoie peut-être aux soignants sommés de trouver la bonne attitude ou alors aux patients qui vacillent entre la vie et la mort ou encore aux danseurs qui défient les lois de la gravité. Le premier serait d’approuver le choix de la réalisatrice de faire résonner le sujet de son reportage avec l’expérience traumatisante qu’elle a elle-même vécue en accompagnant sa mère à la mort. Le second serait de lui reprocher cet attelage un peu métronomique – une scène à l’hôpital succède à un mouvement de danse qui succède à une scène à l’hôpital, etc. – là où on aurait préféré qu’elle se focalise sur cette unité de soins palliatifs qu’on aurait aimé mieux découvrir.

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