A Serious Game ★★☆☆

À Stockholm, au tout début du vingtième siècle, Arvid est un jeune journaliste d’une extraction modeste. Il tombe follement amoureux de Lydia, la fille d’un peintre célèbre. Ses sentiments sont partagés mais les deux jeunes gens sont de milieux trop différents pour envisager une union. Lydia se marie à un riche veuf tandis que Arvid épouse une héritière. Des années plus tard, leurs chemins se croisent à nouveau.

Pernilla August a eu une carrière étonnante. Née en 1958, elle fait ses premiers pas au cinéma avec Ingrid Bergman dans Fanny et Alexandre en 1982. Sociétaire du Théâtre dramatique royal, elle y joue les plus grandes pièces du répertoire : Strindberg, Ibsen, Tchekov, Shakespeare… Elle obtient le prix d’interprétation féminine à Cannes en 1992 pour son rôle dans Les Meilleurs intentions de Bille August – dont elle fut l’épouse de 1991 à 1997. Elle joue la mère de Anakin Skywalker dans les deux premiers épisodes de la saga Star Wars. De retour en Suède, elle passe derrière la caméra pour signer l’adaptation d’un grand classique de la littérature suédoise.

Le Jeu sérieux (pourquoi donner un titre anglais à un film suédois ?) de Hjalmar Söderberg n’est pas de la litt chick. Comme ses contemporains Ibsen, Strindberg, Hamsun ou Hardy, Söderberg écrivait des drames poignants. Les amours de Arvid et de Lydia sont des amours contrariées et il ne faut pas escompter un happy end.

Fidèle au roman qu’elle adapte, Pernilla August ne verse pas pour autant dans la reconstitution méticuleuse. Elle le doit à son actrice principale qui ravit la vedette – et la tête d’affiche – à son acolyte masculin. Ballottée par la vie, tout à tour trop sage et trop exaltée, Karin Franz Körlof est bouleversante.

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Zombillénium ★★★☆

Arthur de Pins a écrit et dessiné Zombillénium. Lancé par Spirou, publié ensuite chez Dupuis, décliné en trois tomes, couronné en 2012, Zombillénium poursuit sa carrière au cinéma.

Zombillénium porte le nom du parc d’attractions où l’essentiel de son intrigue se déroule. Ce lieu est aussi paradoxal qu’excitant. Il est peuplé de sympathiques créatures diaboliques : des zombies, des vampires, des fantômes, unis contre les humains par leur condition d’immortels, mais opposés entre eux par une haine atavique. Zombillénium a pour héros Hector Sachs (Aurélien Zahner dans la BD), un humain que les premières images ne rendent guère sympathiques : un employé de l’administration qui consacre plus d’énergie à son travail qu’au bien-être de sa fille qu’il dépose au pensionnat avant de se rendre à Zombillénium qu’il s’est mis en tête de faire fermer pour non-conformité aux  normes de sécurité (critique implicite d’une société hyper-hygiéniste où le respect scrupuleux des règlements viendrait tuer dans l’œuf le plaisir ?). Mais, sitôt passé de vie en trépas, et employé derechef au stand de barbe-à-papa, notre héros devient positif.

Ses réalisateurs ajoutent à Zombillénium une dimension sociale et politique que la bande dessinée n’avait pas. Le film d’animation se déroule dans une région désindustrialisée du Nord de la France. Les habitants du village voisin, noyé dans un frimas grisâtre, fréquentent le bistro du coin en y tenant des propos volontiers xénophobes. Comme l’expose en quelques plans d’une rare efficacité un générique qui constitue un modèle du genre, le parc d’attractions a été construit sur le site d’une ancienne mine et ses employés sont d’anciens mineurs tués lors d’un coup de grisou.

Pour faire avancer l’intrigue, les réalisateurs de Zombillénium ont recours à des ressorts… marxistes. D’un côté des rivalités de classe opposent entre eux les employés du parc. Les vampires, au charme venimeux tout droit importé de Twilight, se sentent plus proches des humains que les zombies, que les pantomimes empruntées au Thriller de Michael Jackson ne font plus rire. De l’autre d’infâmes capitalistes se sont mis en tête de redresser la rentabilité du parc et somment son directeur, le sympathique Francis von Bloodt, de le faire en licenciant les zombies. Comme de bien entendu, Hector, aidé de Gretchen, une sorcière aux super-pouvoirs, et de Sirius, un cadavre cool, viendra à bout de ces sombres desseins – et retrouvera l’amour de sa fille.

On l’aura compris : Zombillénium vise un public d’enfants mais ne s’interdit pas de divertir les parents qui les accompagnent. Présenté en sélection officielle à Cannes, Zombillénium sera projeté au festival d’Annecy avant de sortir sur les écrans le 18 octobre 2017.

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Le Jour d’après ★☆☆☆

Un éditeur se rend à son travail dès potron-minet. Quelques jours auparavant, sa collaboratrice, qui était aussi son amante, l’a quitté. Une nouvelle collaboratrice le remplace. Se noue entre elle et lui une relation qui n’est pas sans rappeler celle qui vient de se rompre. L’épouse de l’éditeur, qui a découvert une lettre d’amour anonyme, déboule à son bureau et rosse la nouvelle collaboratrice. C’est le moment que choisit l’ancienne pour revenir.

« Hong Sangsoo, le Rohmer coréen, signe avec son vingtième film un chef d’œuvre. Avec une remarquable économie de moyens, dans un noir et blanc très doux, il met en scène un homme et trois femmes : son épouse, son ancienne maîtresse, celle qui aurait pu devenir sa prochaine maîtresse. Vaudeville à la Feydeau ponctué de quiproquos ? Le scénario ainsi grossièrement résumé pourrait le laisser croire ; mais il est beaucoup plus désespéré qu’il n’en a l’air. Le Jour d’après est moins l’histoire d’un mari volage que le portrait à charge d’un homme lâche. »

Voilà la critique que j’aurais pu faire du dernier film de Hong Sangsoo s’il m’avait conquis. Hélas ce n’est pas le cas. Et j’en suis le premier désolé. Car je conçois volontiers le pouvoir de séduction que Le jour d’après peut exercer. Mon manque d’enthousiasme tient à deux raisons.

La première est que je me suis copieusement ennuyé. Hong Sangsoo filme d’interminables dialogues. Les acteurs, aussi bons soient-ils, sont abandonnés à eux-mêmes, sans texte, et leurs efforts désespérés pour se renvoyer la balle tournent vite court. Le feraient-ils en plans fixes, on s’endormirait douillettement. Hong Sangsoo a hélas un cadreur qui essaie, comme l’arbitre dépassé d’un match de tennis, de cadrer un personnage après l’autre, substituant à la sieste qu’une telle logorrhée aurait dû déclencher un sévère mal de tête.

La seconde est l’effet de lassitude induit par la répétition, de film en film, des mêmes thèmes et des mêmes situations. Hong Sangsoo est un réalisateur prolifique. Il tourne environ trois films par an. Le Jour d’après est sorti le 7 juin tandis que son précédent film, Yourself and Yours, sorti le 1er février, n’a pas encore quitté les écrans parisiens. Cette productivité ne serait pas en soi un problème si elle ne confinait au bégaiement. Or, Hong Sangsoo nous livre à chaque fois le même film. Un homme mûr (double autobiographique à peine déguisé du réalisateur ?) se débattant dans des amours compliquées avec des femmes plus jeunes. Des scènes de bar tournant inéluctablement à l’orgie éthylique (les Coréens passent-ils tous leurs soirées à s’enivrer ?). Un monde flottant où les identités se confondent, où le ressassement des mêmes situations conduit à remettre en cause les identités des êtres et la réalité des sentiments qu’ils inspirent.

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The Wall ★★★☆

Un sniper américain et son viseur, appelés à la rescousse sur le site d’une bataille, sont bientôt pris sur le feu d’un tireur ennemi. Le sergent Matthews agonise sous le soleil tandis que le sergent Isaac trouve un fragile refuge derrière un mur en torchis. Quand il essaie de contacter par radio sa base, il tombe sur l’Irakien qui le menace et engage avec lui un dialogue à distance.

Le dernier film de Doug Liman appâte par son scénario chimiquement pur. Deux hommes dans le désert. Un troisième qu’on ne verra jamais. Rien d’autre. Pas de flashbacks. Pas d’histoires parallèles d’une épouse aux États-Unis dévorée de chagrin ou d’un camarade à la base tentant désespérément de sauver son ami. L’exercice de style rappelle, par son exigence, Buried qui filmait en temps réel un contractor américain enterré vivant dans le désert irakien.

Sauf que Doug Liman veut greffer à ce dispositif scénaristique d’une rare sobriété un message politique qui pèse des tonnes. Comme Ang Lee dans Un jour dans la vie de Billy Lynn ou Clint Eastwood dans American Sniper, il questionne la légitimité de l’intervention américaine en Irak. Mais il le fait avec une subtilité pachydermique : face à un débonnaire GI Joe qui porte au bout du fusil, la démocratie, l’école et les hôpitaux, un Irakien retors, qui cite Shakespeare et Poe, lui demande poliment de rentrer chez lui.

Après une première demi-heure particulièrement réussie qui met le dispositif en place, le film se perd dans les sables de cette discussion politique et le détourne du seul sujet qui intéresse le spectateur : comment le sergent Isaac, blessé et assoiffé, réussira-t-il à tromper la vigilance du sniper irakien qui l’a pris pour cible ? La réponse pourrait être : en lui tirant dessus. On tremble qu’elle ait ce simplisme. Jusqu’à un retournement final, particulièrement machiavélique, qui sauve ce film de l’enlisement dans lequel il avait échoué pendant sa seconde partie.

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Le Vénérable W. ★★☆☆

Le vénérable Wirathu est un moine birman qui excite ses coreligionnaires en prônant l’islamophobie.

À soixante-quinze ans passés, Barbet Schroeder a eu plusieurs vies. Dans les années soixante, il est un compagnon de route des cinéastes de la Nouvelle Vague dont il produit les films. Dans les années soixante-dix, il passe derrière la caméra. Dans les années quatre-vingts il s’expatrie aux États-Unis.

À côté de son œuvre de fiction, il signe une œuvre documentaire d’une extrême richesse. Son dénominateur commun : filmer le Mal. les yeux dans les yeux. Amin Dada, le dictateur ougandais, Jacques Vergès, l’avocat de Barbie et, aujourd’hui, ce moine bouddhiste quasiment inconnu en Occident qui fomente des pogromes contre la minorité musulmane de Birmanie.

Le documentaire de Barbet Schroeder est construit autour d’un paradoxe : comment peut-on être bouddhiste et raciste à la fois ? comment peut-on prôner la paix et instiller la violence dans le même discours ? De longs entretiens du moine Wirathu et des documents d’archives, souvent filmés sur de simples téléphones portables, documentent à la fois le discours de la haine et sa mise en œuvre, d’une insoutenable violence (le film est légitimement interdit aux moins de douze ans).

Dans une interview au Monde, Barbet Schroeder affirme pertinemment que ses personnages, pour retenir l’attention du spectateur, doivent cultiver une certaine ambiguïté. C’est précisément là que le bât blesse. Sans doute la robe safran, le crâne rasée et la voix posée de Wirathu ne laissent-ils pas deviner le dangereux idéologue. Mais une fois ce masque levé, Wirathu n’est en rien ambigu. C’est un petit monsieur vaniteux et haineux. Son discours est si simpliste qu’il cesse d’être effrayant. Et le film de Barbet Schroeder qui aspirait sans doute à s’élever à une réflexion sur l’universalité du Mal se réduit à un honnête documentaire sur les violences commises contre les Rohingyas de Birmanie.

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HHhH ☆☆☆☆

« Himmlers Hirn heißt Heydrich » : « Heydrich est le cerveau de Himmler ». Eclipsé par ses aînés, Reinhardt Heydrich est une figure méconnue de l’histoire nazie. HHhH en relate la vie : le début de sa carrière dans la Marine dont il est radiée pour une sombre affaire de mœurs, son mariage avec une femme qui le convainc de rejoindre le NSDAP,  sa rencontre avec Himmler qui en fait le chef du service du renseignement de la SS, sa nomination à Prague au poste de protecteur de la Bohême-Moravie. HHhH raconte surtout sa mort : Heydrich tombe le 27 mai 1942 sous les balles d’un commando de Tchèques libres parachutés d’Angleterre.

Il y aura deux catégories de spectateurs qui iront voir HHhH. Les premiers sont ceux qui, comme moi, ont lu et adoré le livre de Laurent Binet. Ils seront très déçus. Car, de ce livre, qui parlait moins de Heydrich que de Binet en train d’écrire un livre sur Heydrich, le film de Cédric Jimenez ne retient pas la construction intelligente. Alors que Binet proposait une réflexion stimulante sur les devoirs de l’historien et les défis du romancier, Cédric Jimenez se contente de filmer platement un film de guerre.

Les seconds, qui n’auront pas lu le livre de Binet et qui espéreront voir l’histoire d’un criminel nazi et de son assassinat, ne seront pour autant guère moins déçus que les premiers. Car Cédric Jimenez, malgré les moyens hollywoodiens qu’il a mobilisés, ne réussit pas à susciter la moindre émotion. La faute à Jason Clarke dont les cheveux blonds et les yeux bleus ne suffisent pas à faire un Nazi convaincant. La faute au reste d’un casting hétéroclite – où cachetonnent pour de brèves apparitions les Français Céline Salette et Gilles Lelouche parlant l’anglais avec un accent soi-disant tchèque – d’où émerge toutefois Rosamund Pike dans le rôle ingrat de l’épouse du SS-Obergruppenführer. La faute également à un montage qui, au lieu d’entrelacer, comme le faisait finement Binet dans son livre, l’histoire de Heydrich et celle du commando voué à le tuer, enchaîne paresseusement ces deux histoires.

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Un jeune patriote ★★☆☆

Pendant quatre ans, le documentariste Du Haibin a filmé la vie d’un jeune homme originaire du Shanxi qui, le bac en poche, part étudier à l’université de Chengdu.

Filmer une vie, filmer la vie. Choisir un individu. Le filmer dans la durée.Voilà un pari sacrément culotté pour un réalisateur et pour son producteur. Sur quelle base choisir son héros ? Comment être sûr que les hasards de la vie n’invalident ce choix ?

On ne saura pas pourquoi Du Haibin a choisi de filmer Zhao Changtong. Le titre du film, son affiche nous indiquent une piste : le réalisateur s’est demandé comment on pouvait être un patriote communiste trois quarts de siècle après la révolution chinoise et alors que la Chine s’est transformée en jungle capitalise. Les premières images du documentaire montrent le jeune Zhao parader dans les rues de sa ville natale, en uniforme de garde rouge, portant fièrement le drapeau national. Deux destins s’imaginent à pareil personnage. Le premier est qu’il gravisse scrupuleusement les échelons de la hiérarchie communiste pour en devenir, un jour, qui sait, l’un des chefs. Le second est qu’il déchante rapidement, ses idéaux de jeunesse se fracassant sur les réalités d’une vie moins rose.

C’est la seconde voie qu’empruntera Zhao Changtong, transformant du coup le récit de sa vie en réquisitoire à charge contre les dévoiements de la Chine communiste. La foi dans le communisme de Zhao est d’abord ébranlée par le scandale Bo Xilai, ce maire de Chongqing dont la carrière météoritique a brutalement été interrompue par un procès retentissant. Plus proche de lui, la destruction de sa maison natale par des promoteurs immobiliers corrompus le font douter de la justice du système communiste. Mais, au fond, c’est la vie qui fait son travail de sape : en mûrissant, en tombant amoureux, en participant à un camp d’été dans un village reculé du Sichuan, Zhao se frotte à la vie et abandonne l’intransigeance militante qui était la sienne. Un jeune patriote parle moins du patriotisme et de ses dérives que de la jeunesse et du temps qui passe.

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Suntan ★★★☆

Kostis est en pleine crise de la quarantaine (lui aussi !). Il accepte un travail de médecin dans une île perdue des Cyclades. Il s’y ennuie ferme pendant tout l’hiver avant qu’arrivent l’été, son lot de touristes et de « chattes en chaleur » (sic). Le docteur soigne dans son cabinet Anna. Il suit ses amis à la plage, au camping, en boîte. Il couche même avec Anna mais les sentiments vite obsessionnels qu’ils éprouvent pour elle ne sont pas partagés.

L’Année des Méduses 2016.En 1984, Valérie Kaprisky faisait scandale dans le film de Christopher Frank en draguant, seins nus, à Saint-Tropez des hommes mariés. La société a bien changé. Les lolitas dévergondées ne choquent plus personne. Dans Paradis : Amour, Ulrich Seidl décrivait une quinquagénaire autrichienne achetant sur la côte kényane les services tarifés d’un bel éphèbe noir. Ce sont les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre entre Kostis et Anna, si ce n’est que l’argent ne permet pas à l’offre et à la demande de sexe de se rencontrer. D’un côté un nounours bedonnant désespérément en manque d’amour ; de l’autre une jeune fille de son temps qui a décidé de « s’éclater » avec ses copains sans penser à mal.

Houellebecq en Grèce. Bien qu’il ne soit pas crédité au générique, le romancier français a inspiré le film de Argyris Papadimitropoulos. Notamment Extension du domaine de la lutte qui mettait en scène un quarantenaire pathétique en quête d’amour et de sexe et, plus encore, Plateforme, où Houellebecq théorisait l’inégalité dans l’accès des individus au sexe, fonction quasi-linéaire de l’âge du physique et du revenu.

Tout le film est tourné à travers les yeux de Kostis et documente avec masochisme sa lente descente aux enfers. Sans doute, dans un premier temps partage-t-on sa joie à rencontrer Anna, son émotion à découvrir son corps nu, son excitation à lui faire – trop brièvement – l’amour sur une plage déserte. Mais le bonheur est de courte durée. L’attirance de Kostis pour Anna est obsessionnelle. Le film se construit dans sa seconde partie sur le décalage entre le spectateur, qui a compris immédiatement que les efforts de Kostis sont ridicules, et Kostis qui s’entête morbidement malgré les rebuffades de moins en moins diplomatiques. On se demande jusqu’où cette attirance malsaine le conduira. La dernière scène du film n’est pas la plus mauvaise qui laisse la question ouverte.

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I Am Not Your Negro ★★☆☆

En 1979, l’intellectuel noir américain James Baldwin (1924-1987) a commencé l’écriture d’un livre qu’il n’a jamais achevé. Remember This House raconte la lutte de trois de ses cadets, morts assassinés avant quarante ans : le leader des Black Panthers Malcom X (1925-1964), le militant pour les droits civiques Martin Luther King (1929-1968), le membre de la NAACP Medgar Evers (1925-1963). Le réalisateur haïtien Raoul Peck le met en images et lui donne la voix, belle et grave, de Samuel Jackson (Joey Starr dans la version française)

Deux idées forces traversent son documentaire diffusé fin avril sur Arte avant de sortir deux semaines plus tard au cinéma. La première est de faire résonner le passé et le présent. En entrelaçant des images d’archives et des images d’actualité, Raoul Peck veut montrer que les combats d’hier sont toujours d’actualité. Le mouvement Black Lives Matter lancé en 2013 résonne avec la lutte pour l’émancipation des Noirs menée par la NAACP dans les années 60 ; les violences policières dont étaient hier victimes les Noirs sont toujours de mise aujourd’hui (la mort de Eric Garner en 2014 (« I can’t breathe »), celle de Michael Brown la même année à Ferguson).

« The story of the Negro in America is the story of America. It is not a pretty story. » La seconde idée force est peut-être la plus stimulante. Elle consiste à replacer la question noire au centre de l’histoire sociale américaine, à refuser qu’elle n’en constitue qu’un appendice désagréable. Pour le dire autrement, Baldwin soutient que le WASP protestant n’existe que dans la négation du Noir : négation qui prenait hier la forme de l’esclavage, qui prit ensuite celle de la ségrégation, qui prend aujourd’hui celle plus insidieuse de la relégation géographique (les ghettos noirs) et culturels (la culture noire).

L’œuvre de Baldwin est un cri « I Am Not Your Negro ». Un cri contre l’injustice qui est faite aux Noirs d’Amérique. Un cri contre leur assignation à une condition dévalorisante. Un cri dont il raconte comment il est monté dans sa gorge lorsqu’encore enfant il découvrit qu’il n’était pas blanc dans une société où il allait de soi de l’être.

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Message from the King ★★☆☆

En provenance du Cap, Jacob King débarque à Los Angeles à la recherche de sa sœur dont il est sans nouvelle. Il découvre bientôt qu’elle a été sauvagement assassinée. Il mène l’enquête à sa façon.

Message from the King est une série B assumée. C’est l’œuvre de commande d’un réalisateur belge qui avait déjà signé de ce côté-ci de l’Atlantique quelques petits polars nerveux. J’avais vu en 2005 Calvaire, son premier long, dont l’action se déroulait dans un bled perdu des Ardennes et qui frisait avec le film d’horreur.

Hollywood s’est fait la spécialité d’importer les meilleurs cinéastes du vaste monde. La greffe prend parfois : Alejandro Iñárritu , Nicholas Wending Refn, Denis Villeneuve. Elle échoue souvent : les plus grands, comme Stephen Frears, Wong Kar Wai ou Jean-Pierre Jeunet, ont failli y perdre leur âme. Fabrice du Welz fait le job honnêtement, filmant avec nervosité un classique revenge movie.

Message from the King fonctionne bien dans sa première moitié tendue par le mystère qui entoure les conditions mystérieuses de la disparition de la sœur de Jacob King. Quand le suspense se lève, il devient plus classique et plus ennuyeux : le gentil très gentil va affronter des méchants très méchants – trafiquant de drogue, VIP pédophile et politicien véreux. Il serre la mâchoire et le poing, prend sous sa coupe la mère et l’orphelin(e) et parvient, ô surprise, à faire triompher la vertu sur le vice.

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