Hunger Games – La Révolte : Partie 2 ★☆☆☆

Hunger Games saucissonne son dernier opus. On nous avait déjà fait le coup avec Harry Potter 7.2. Après le 3.1. sorti en 2014, le 3.2. constitue le quatrième épisode de cette trilogie (vous me suivez ?)

Le procédé n’est pas sans inconvénient. Le 3.2. commence là où le 3.1. finissait, laissant au bord du chemin tous ceux qui, comme moi, en ont perdu le souvenir. Autre défaut : le 3.2. est une longue bataille finale, celle qui clôt les films d’action, ici étirée sur deux heures (comme le dernier volet du Hobbit ou de Harry Potter).

Deux autres défauts sont propres à Hunger Games :

– Le premier volet ainsi que le deuxième étaient organisés autour du Hunger Game, une lutte à mort aussi cruelle que palpitante. Il n’y en a plus dans le troisième volet. Dommage.

– L’épilogue déroutant, dans le film comme dans le livre, nous frustre du combat final que tout pourtant semblait annoncer. Combat final tellement prévisible qu’on est reconnaissant à Suzanne Collins de nous l’avoir épargné, mais combat final si longtemps attendu qu’on est frustré d’en être privé pour une fin à tiroirs assez ratée, bien qu’inattendue.

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Tarzan ☆☆☆☆

Tarzan – la suite. Après que ses parents ont trouvé la mort dans la jungle, qu’une maman-gorille l’a élevé, qu’il a rencontré et épousé la belle Jane, le jeune John Clayton III est rentré en Angleterre. L’histoire du Seigneur de la jungle, inventée par Edgar Rice Burroughs avant la Première Guerre mondiale, est universellement connue. Elle a déjà donné lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques.

David Yates, le réalisateur des quatre derniers Harry Potter, en imagine la suite. Nous sommes en 1890 au lendemain de la conférence de Berlin. Léopold II vient de mettre la main sur l’immense Congo. Il lorgne sur les mines de diamant dont l’accès est défendu par la tribu du chef Mbonga qui voue au jeune Tarzan une haine imprescriptible. Jouant de cette rivalité, le fielleux capitaine Léon Rom va tendre un piège au jeune lord et à sa ravissante épouse.

Le scénario de Tarzan n’est pas d’une particulière subtilité. D’un côté les gentils : le bodybuildé Alexander Skarsgård qui ne perd pas une occasion de quitter sa chemise pour dévoiler ses pectoraux, la sexyssime Margot Robbie qui, hélas, ne quitte pas sa chemise (le film est PG-13), Samuel L. Jackson en acolyte américain, habile tireur et anti-esclavagiste, et Djimon Hounsou en roi nègre moins cruel qu’il n’y paraît. De l’autre, le méchant : Christoph Waltz qu’on a un peu trop vu dans ce genre de rôles, de Inglorious Basterds à 007 Spectre en passant par Django Unchained, pour ne pas s’en lasser. Et au milieu, les gorilles, les lions et les éléphants, en images de synthèse, nettement moins réussis que l’ours de The Revenant.

On l’aura compris, Tarzan est d’une niaiserie abyssale et d’une laideur repoussante. Le scénario, d’une lourdeur éléphantesque, se traîne à un rythme d’escargot. Les scènes d’action, tournées dans la campagne anglaise sur fond vert, ne réussissent pas à réveiller le spectateur passablement endormi. Et la morale de l’histoire, qui voit un Blanc sauver les Noirs de la cupidité d’autres Blancs, charrie un racisme aussi primaire qu’involontaire.

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Lea ★★★☆

Après « Nos meilleures années », chronique de l’Italie au temps des Brigades rouges, et « Piazza Fontana », sur l’attentat à la bombe qui avait tué seize personnes à Milan en 1969, Marco Tullio Giordana continue à sonder l’histoire de son pays. Il s’est inspiré de l’histoire vraie de Lea Garofalo dont la mort tragique en 2009 avait ému la péninsule. Originaire de Calabre, elle avait eu un enfant d’un membre de la ‘Ndrangheta, la mafia locale. Pour se sauver et sauver sa fille d’une vie de violence, elle avait dénoncé son conjoint et ses acolytes à la justice. Mais, malgré la protection policière dont elle bénéficiait, elle disparut dans d’obscures circonstances.

Lea est interprétée avec une belle intensité par Vanessa Scalera, une star italienne, vue chez Bellocchio et Moretti mais peu connue en France. La caméra ne la lâche pas d’un pouce, dans tous ses déménagements, inséparable de sa fille. Après sa disparition, aux deux tiers du film, c’est cette fille, encore mineure, qui prend le relais dans le rôle de la femme déterminée.

Le montage de Mario Tullio Giordana est particulièrement étonnant. L’action s’étale sur plus de vingt ans, de l’adolescence de Lea au procès de ses assassins. Une telle amplitude aurait pu justifier un film fleuve, comme « Nos meilleures années » dont la version TV durait sept heures. « Lea » au contraire est ramassé en quatre-vingt-quinze minutes à peine. Du coup, chaque scène est réduite à l’os, livrant le minimum d’informations nécessaire pour comprendre la situation de Lea. De ce rythme haletant naît un sentiment d’urgence, comme si la vie de Lea lui était volée par le filet qui, lentement, resserre sur elle ses mailles, jusqu’à l’issue qu’on sait, dès le départ, tragique.

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Truman ★★★☆

La cinquantaine, Julián a décidé de cesser de se battre contre le cancer qui le tue à petit feu. Son ami Tomás vient du Canada lui rendre visite. Pour le faire changer d’avis ? Pour l’accompagner vers la mort ? Ou pour trouver un nouveau maître à son chien Truman ?

Le pitch de Truman est calamiteux. On imagine volontiers un film lacrymal, débordant de bons sentiments, sur la mort, l’amitié… et les bullmastiffs.

Truman est tout cela. Pourtant Truman mérite amplement les 5 Goyas – équivalents de nos Césars – que l’Académie espagnole lui a décernés en février dernier. Car si Truman traite de la mort, de l’amitié et de l’amour des bêtes, il le fait avec une délicatesse à laquelle le cinéma ne nous a pas habitués.

Il le fait en utilisant un biais très simple : celui de la pudeur virile. L’amitié qui unit Julián et Tomás n’est pas démonstrative. Pas de fous rires, d’embrassades ou de larmes. Pas de Miss You Already (Ma meilleure amie, 2016) pour reprendre le titre tellement caricatural de ce film – que je n’ai pas vu – sur l’amitié de deux amies face au cancer, mais des silences, des non-dits autrement efficaces et moins embarrassants.

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Sur quel pied danser ★★★☆

Julie est courageuse ; mais le monde du travail ne veut pas d’elle. Elle galère entre stages non rémunérés et CDD non renouvelés. Elle croit décrocher le Graal en trouvant un emploi dans une fabrique de chaussures pour femmes ; mais l’entreprise est menacée par un plan social.

On dirait un documentaire façon Entre nos mains ou Entrée du personnel. Ou un drame social façon La Fille du patron ou Ressources inhumaines. Sur quel pied danser l’est en partie, qui raconte une lutte ouvrière avec ses passages obligés et ses figures un brin caricaturales : un PDG cynique et manipulateur, un directeur d’usine écartelé entre l’amour de son métier et la peur de sa hiérarchie, des délégués syndicaux avec un cœur gros comme ça…

Mais Sur quel pied danser est plus que cela. C’est une « comédie musicale et sociale » comme on n’en faisait plus depuis Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg, Peau d’âne) et comme on en refait depuis quelques années avec un certain succès (Chante ton bac d’abord, Les Chansons d’amour, 8 Femmes, Filles perdues cheveux gras…)

La B.O. est signée par la fine fleur de la chanson française : Jeanne Cher­hal, Clarika, Albin de la Simone, Olivia Ruiz… C’est léger comme un bonbon acidulé, élégant comme une paire d’escarpins et touchant comme Pauline Etienne qui confirme de film en film son talent.

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Les Suffragettes ★☆☆☆

En 1912 les femmes britanniques se battirent pour conquérir le droit de voter. Pour donner chair à cette page d’histoire, Carey Mulligan incarne une blanchisseuse, abusée par son patron, soumise à son mari, dont la conscience politique s’éveille lentement et Meryl Streep la célèbre Emeline Pankhurst, la leader des suffragettes. On suit leur combat qui verse inexorablement dans la violence après avoir épuisé toutes les voies pacifiques.

Il y a trop de bons sentiments, trop de manichéisme à cette impeccable reconstitution historique pour que l’émotion qu’elle fait naître ne soit pas suspecte.

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Crazy Amy ★★☆☆

Judd Apatow aurait révolutionné la comédie américaine en repoussant les limites de la bienséance. C’est vrai. C’est faux.

Le réalisateur de 40 ans toujours puceau et de En cloque mode d’emploi a popularisé un humour potache, volontiers transgressif. Amy Schumer, la scénariste et l’actrice principale de Crazy Amy (audacieuse traduction du titre original Trainwreck), nous fait hurler de rire. Elle y est aidée par une brochette de seconds rôles remarquables : Tilda Swinton en directrice de publication narcissique et sadique, LeBron James en star autoparodique du basket, Ezra Miller, l’inquiétant héros de We Need to Talk about Kevin, en stagiaire déluré…

Pour autant, le cinéma de Judd Apatow n’est transgressif que dans sa forme. Au fond, il véhicule un conservatisme très mainstream. Si Amy commence par enchaîner les coups d’un soir elle se convertit bien vite à la monogamie. Ce moralisme fadasse entame le plaisir pris à rire des situations hilarantes imaginées par Amy Schumer, mais il ne nous dissuadera pas d’aller voir son film suivant.

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Maestà, La Passion du Christ ★★★☆

Comment parler cinématographiquement d’un tableau de maître ? En 2011, Lech Majewski avait imaginé de faire déambuler Bruegel en 3D dans l’une de ses toiles. La démarche du plasticien Andy Guérif est autre. Il a patiemment reconstitué chacun des vingt-six panneaux de la Maestà, un polyptyque réalisé au début du Trecento pour la cathédrale de Sienne.
Ce travail de fourmi lui a pris sept ans, à Angers, avec une poignée d’amis et un budget dérisoire.

Le résultat est un plan fixe qui englobe tout le polyptyque. Chaque panneau s’anime successivement dans un coin de l’écran, décrivant une étape de la Passion du Christ depuis l’entrée à Jérusalem jusqu’aux compagnons d’Emmaüs.
Dans chaque cartouche on voit les personnages s’installer, puis se figer quelques secondes dans la position précise qui était la leur dans le tableau, avant de s’animer à nouveau et de se diriger vers le cartouche suivant.

Le procédé est totalement artificiel et parfaitement naturel. Sans doute crée-t-il à la longue une lassante répétition, d’autant que l’histoire est connue et son dénouement sans surprise. Mais ce film hors norme a l’intelligence de ne pas dépasser soixante minutes et de s’arrêter avant que la curiosité qu’il suscite ne disparaisse.

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Irréprochable ★★★☆

Irréprochable, Constance (Marina Foïs toujours excellente) prétend l’être, qui revient à Saintes au chevet de sa mère souffrante et souhaite retrouver l’emploi qu’elle exerçait dans une petite agence immobilière sur les bords paisibles de la Charente. Mais, la vérité apparaît progressivement révélant le caractère instable, voire psychotique, de la jeune femme. Constance était montée à Paris sur un coup de tête, abandonnant son compagnon et son employeur qui ne sont pas prêts à lui pardonner sa fuite si facilement. Elle vit désormais au RSA après avoir perdu son emploi. Quant à sa mère…

Le premier film de Sébastien Marnier ne quitte pas d’une semelle l’inconstante Constance. On la voit séduire un inconnu rencontré dans un TGV et retrouvé dans une chambre d’hôtel anonyme (Benjamin Biollay toujours magnétique). On la suit dans les rues de Saintes renouer avec un amoureux d’enfance (Jérémie Elkaïm toujours creux). On s’attache à ce personnage fragile autant qu’on s’inquiète des progrès de son entreprise lorsqu’elle se met en tête d’évincer Audrey, la jeune et jolie employée qui a été recrutée à sa place. Lentement, l’étau se resserre jusqu’à un dénouement final particulièrement malin.

Si ce petit film avait eu plus d’ambition, ç’aurait pu être un grand film. Son scénario le lui aurait permis, alors que c’est souvent là que le bât blesse dans le jeune cinéma français. Mais le manque de moyens et l’absence d’ambition esthétique ou narrative tirent irrésistiblement Irréprochable vers le téléfilm, aussi réussi soit-il.

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The Strangers ★★☆☆

Dans un petit village coréen noyé sous la pluie, des crimes horribles sont commis par de paisibles habitants qui versent soudainement dans la folie. On suspecte la consommation de champignons toxiques. Mais l’inspecteur Jong-gu, sur la piste d’un ermite japonais, découvre vite que les racines du mal sont plus profondes.

Ça commence comme Memories of Murder, un banal polar avec un flic balourd. Ça se termine comme Ring, une histoire angoissante de fantômes anorexiques en chemise de nuit blanche sous la pluie. Et ça fait des détours par Les Rivières pourpres et L’Exorciste.

Révélé par ses deux précédents films, The Chaser et The Murderer, Na Hong-jin confirme qu’il fait partie des grands. Son film dure deux heures trente-six qu’on passe sans s’ennuyer une seconde. Il est riche en rebondissements, ballotant le spectateur de twists en contre-twists jusqu’à une conclusion magistrale qui suscite le débat au sortir de la salle. Il est riche en ruptures de ton : on passe de l’intrigue policière au film de fantômes, du mélo familial au slasher (avec un exorciste diablement séduisant), du gore au burlesque (où un zombie se prend un méchant râteau).

Alors pourquoi deux étoiles seulement ? Parce que ce cinéma-là, dont je reconnais volontiers l’éclectisme et l’originalité, ne me transporte pas et, s’il me met parfois les nerfs en pelote, me laisse somme toute assez indifférent.

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