Musique dans les ténèbres ★★☆☆

Dengt Vylbeke, un aristocrate, perd la vue durant son service militaire. Abandonnée par sa fiancée, il est soigné par Ingrid, sa bonne, qui tombe amoureuse de lui. Mais l’amour de celle-ci n’est pas payé de retour car l’écart de classe est trop grand.
Après avoir échoué au concours du conservatoire, Bengt trouve un emploi de pianiste dans un hôtel. Il retrouve Ingrid qui s’est entretemps fiancé.

« Musique dans les ténèbres » est une réalisation de jeunesse de Ingmar Bergman. Venu du théâtre, le réalisateur, âgé de trente ans à peine, n’a pas encore trouvé ses marques. Il tourne des films de commande qui louchent du côté du réalisme français de Renoir, Carné ou Duvivier. Rien n’annonce le tournant que prendra son œuvre, pour le meilleur et parfois pour le pire, lorsqu’elle traitera à bras le corps les sujets de la foi, de l’amour, d’un monde sans Dieu.

Inspiré d’un roman de l’écrivaine suédoise Dagmar Edqvist, le scénario de « Musique dans les ténèbres » est à la limite de la mièvrerie. Il a néanmoins offert à Bergman son premier succès critique et public.

Aujourd’hui, l’intérêt du film est ailleurs. Il réside dans l’approche documentaire de Bergman, qui ne connaît, à ma connaissance, aucun autre exemple dans le reste de son œuvre. Le réalisateur est allé filmer à l’institut des jeunes aveugles de Stockholm (Jim Jarmusch a fait la même chose à Paris avec Béatrice Dalle dans l’un des sketch de Night on Earth en 1991) et il y a pris un vif intérêt dont le film, quasi-documentaire, porte la trace.

Corniche Kennedy ★☆☆☆

À Marseille, sur la Corniche Kennedy, des jeunes des cités défient leur peur en se jetant à l’eau. Suzanne les regarde, les envie, les approche.

Les adaptations des romans de Maylis de Kerangal se suivent… et ne se ressemblent pas. Autant j’avais adoré « Réparer les vivants », autant j’ai été déçu par « Corniche Kennedy ».

De quoi s’agit-il ? D’une métaphore : celle du plongeon dans le vide. Du vertige et de la gravité qu’on défie. De la peur qu’on ressent du haut du plongeoir. Du plaisir qu’on éprouve à l’avoir vaincue une fois dans l’eau.

Le plongeon dans le vide, on l’aura compris, c’est le passage de l’adolescence à l’âge adulte pour ces jeunes et pour Suzanne qui révise mollement son baccalauréat.

Le scénariste a dû trouver que ce sujet était trop ténu pour tenir la durée d’un film. Du coup, il lui a donné de la chair en y greffant une histoire policière. Un des jeunes plongeurs, Marco, est acoquiné avec un caïd local que la police criminelle cherche à faire tomber en convainquant Marco de le « balancer ».

Le film « Corniche Kennedy » a une immense qualité : il est constamment filmé au bord d’une mer ensoleillée et chaleureuse qui illumine chaque centimètre la pellicule. On est bien loin des lumières jaunâtres de French Connection où William Friedkin filmait la deuxième ville de France comme le lieu de tous les trafics. Jamais Marseille n’a été plus lumineuse, plus liquide, plus sauvage, plus belle.

Il a deux immenses défauts. À la notable exception de Lola Créton dans le rôle de Suzanne, les jeunes acteurs jouent horriblement mal. Leur jeu est outré ; leur accent est ridicule. Second défaut déjà mentionné : l’histoire policière greffée à la belle histoire initiatique manque cruellement de crédibilité et dévie le film de ce qui aurait dû rester son seul sujet.

La bande-annonce

Fuocoammare, par-delà Lampedusa ★☆☆☆

C’est l’hiver à Lampedusa, une île rocailleuse, à mi-chemin de la Sicile et de l’Afrique, point d’arrivée en Europe des migrants qui tentent leur chance dans des embarcations de fortune. Les bateaux se succèdent, avec leurs lots de passagers hagards. Les équipes médicales et la police de l’immigration les prennent en charge selon une froide mécanique.
Pendant ce temps, Samuele mène la vie banale d’un enfant de douze ans. Il fabrique une fronde, révise ses leçons d’anglais avec sa grand-mère, va en mer avec son père. Un docteur prodigue les premiers soins aux migrants malades et fait aussi office de médecin de famille pour Samuel. L’animateur de la radio locale diffuse des vieux airs de musique sicilienne à la demande de ses auditeurs.

Par-delà Lampedusa – L’objectif de Gianfranco Rosi était « de trouver un autre point de vue sur Lampedusa », cette petite île italienne qui concentre l’attention médiatique le temps d’une catastrophe humanitaire, puis retombe dans l’oubli jusqu’à la suivante. Il a décidé de prendre le temps d’aller à la rencontre de l’île et de ses habitants, à l’époque de l’année où on la connaît le moins bien. Son film est hivernal, sous un ciel menaçant, face à la mer immense et glacée dont surgissent régulièrement des esquifs surchargés.

Il s’attarde surtout sur l’attachant Samuele, un gamin débordant d’énergie, ficelle à l’heure de faire ses devoirs scolaires mais diablement dynamique quand il s’agit de courir la garrigue. Le problème est que sa vie n’a aucun lien avec celle des migrants qu’à aucun moment il ne croise : ni sur la mer à bord du petit bateau de pêche de son père, ni sur la terre où jamais il ne s’approche de leur centre de rétention.

On comprend que le sujet du documentaire de Gianfranco Rosi est l’étanchéité qui sépare ces deux mondes. D’un côté celui des migrants pris en charge par une organisation administrative à la fois efficace et inhumaine. De l’autre celui des habitants de Lampedusa qui n’ont aucun contact avec les migrants. Sans doute le documentariste veut-il par là nous suggérer que cette étanchéité prévaut également dans nos vies confortables où, mises à part quelques informations sporadiques et dramatiques, nous n’avons aucun contact avec la détresse de ces populations.

Le problème est que l’étanchéité n’est pas facile à filmer ! Pendant près de deux heures, on suit un gamin qui tire sur des étourneaux avec sa fronde. C’est charmant. Et puis on embarque à bord d’une frégate italienne qui transborde des migrants. C’est poignant. Et puis c’est tout.

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Le Ruisseau, le pré vert et le doux visage ★★★☆

A Belqas, une petite ville du delta du Nil, Yehia est l’heureux propriétaire d’un commerce florissant : il organise tous les banquets de la ville avec l’aide de ses fils, Refaat, un cuisinier surdoué, et Galal un coureur de jupons invétéré. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si l’autocrate local ne s’était mis en tête d’exproprier Yahia de son commerce et de le transformer en fast-food.

Le cinéma égyptien ne cesse de nous étonner. Longtemps résumé au seul Youssef Chahine, il démontre, depuis une dizaine d’années qu’il ne se limite pas à la seule œuvre de son réalisateur le plus célèbre. Le cinéma y est devenu un instrument politique pour documenter les évolutions contradictoires que le pays connaît depuis les révolutions arabes. J’ai déjà parlé ici des films de Mohamed Diab (Clash, Les femmes du bus 678). Yousry Nasrallah a signé en 2012 Après la bataille qui a pour héros un des chameliers, instrumentalisé par la police de Moubarak, qui avaient chargé en février 2011 les jeunes révolutionnaires de la place Tahrir.

Le Ruisseau, le pré vert et le doux visage fonctionne selon un tout autre principe : celui du comte oriental. Avec ses héros et ses méchants, ses histoires d’amour et ses meurtres iniques. Mais il n’en dit pas moins sur la société égyptienne, étouffée par une corruption endémique et des interdits religieux qu’elle réussit, avec un malin plaisir, à contourner.

Car le dernier film du Yousry Nasrallah est un pied-de-nez audacieux à la censure. Cette fable épicurienne est un hymne à la nourriture, à l’amour, à la musique et à la danse. Quelque part entre Bollywood et La La Land, Yousry Nasrallah nous fait danser au rythme de la pop égyptienne.

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Your Name ★★★☆

« Your Name » a été le premier film au box office japonais en 2016. Vu par près de quinze millions de spectateurs, ce dessin animé a reçu un accueil aussi enthousiaste que les chefs d’œuvre de Miyazaki. C’est donc son succès qui nous interroge, autant que son contenu. Comme le succès de « 1Q84 » de Murakami, celui de « Your Name » est riche d’enseignements sur le Japon contemporain.

Commençons par le plus évident. Il s’agit d’un dessin animé. Il n’est pas inintéressant de constater que les plus grands succès au box office japonais sont des dessins animés. C’est d’ailleurs le cas aussi en France où Walt Disney et Pixar trustent les premières places. Sauf qu’il s’agit au Japon de réalisations nationales, destinées à un public certes adolescent mais aussi adulte. C’est le cas des réalisations de Miyazaki. C’est aussi le cas de « Your name ». Leur succès n’est pas la conséquence de l’engouement d’un public familial – et nombreux – mais d’une culture de l' »anime » qui traverse toutes les classe d’âge.

« Your Name » est une histoire d’amour entre deux adolescents. Mitsuha et Taki ont dix-sept ans. Le dessin animé japonais touche un public adulte en mettant en scène des enfants. C’est le cas des grandes œuvres de Miyazaki ; c’est aussi le cas de « Your Name ». Infantilisation mièvre d’un public en quête de plaisirs régressifs ? ou recherche de l’expression du sentiment amoureux dans ce qu’il a de plus pur, de plus virginal ?

« Your Name » joue sur la confusion des genres. Il ne s’agit pas d’homosexualité, ni de bisexualité. Le propos est beaucoup plus innocent. Mais, en imaginant que Mitsuha et Taki puissent échanger leurs corps, il remet en cause les frontières de genre : Mitsuha affiche des manières de garçon manqué qui impressionne ses camarades, Taki a une douceur féminine ce qui le rend plus séduisant auprès des filles ! Étrange mélange d’une posture transgressive et d’un discours finalement très conservateur (les filles savent coudre et les garçons ne croisent pas les jambes)

« Your Name » nous parle d’une ville – imaginaire – frappée par une catastrophe naturelle. On pense évidemment au tsunami de 2011 et à Fukushima. On pense aussi à l’attachement des japonais pour la nature, à leur panthéisme, un thème déjà omniprésent chez Miyazaki.

Enfin « Your name » repose sur un scénario compliqué et riche en rebondissements aux frontières du fantastique. La référence qui vient à l’esprit est ici l’œuvre littéraire de Murakami. S’y ajoutent le goût du cinéma américain pour les failles temporelles et les voyages dans le temps de « Retour vers le futur » à « Premier contact » en passant par « Looper » ou « Interstellar ».

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Harmonium ★☆☆☆

Une famille ordinaire en apparence : Toshio et sa femme Akié, Hotaru leur fille de huit ans qui apprend l’harmonium (quel instrument au son hideux dont on se demande par quel sadisme son apprentissage peut être préféré à celui du piano !). Le vernis lisse de ce bonheur tranquille cèdera à l’arrivée de Yasaka qui vient d’être libéré de prison. Un lourd secret le lie à Toshio.

Pas facile de résumer Harmonium sans en dire trop… ou pas assez.
Dire que le film se compose de deux parties que huit années séparent, qu’il se construit autour d’un drame en son milieu, est-ce trop en dire ? Évoquer l’arrivée du fils de Yasaka dans sa seconde partie et les rapports complexes qu’il noue avec Toshio, un père de substitution, et avec Akié, que le remords a broyée, est-ce trop en dévoiler ? Ma foi non… puisque je le fais.

Mais surtout parce que le film de Kôji Fukada ne repose pas sur le suspense. Il ne s’agit pas tant de savoir ce qui va se passer – ou ce qui s’est passé avant le début du film – que de mesurer l’impact que ses événements auront. Le film nous induit en erreur qui nous laisse croire que son principal personnage est le mystérieux Yasaka et le lourd secret qu’il porte. Comme Terence Stamp dans Théorème de Pasolini, Yasaka vient faire exploser une famille, révéler les failles qui la fissuraient déjà et qui n’attendaient que l’occasion de s’élargir.

Le problème dans Harmonium est précisément son ambiguïté. Le réalisateur installe une ambiance oppressante et nous maintient dans l’attente anxieuse d’une explosion de violence. Il y réussit parfaitement. Mais, outre qu’une attente anxieuse n’est jamais très agréable, elle débouche sur … rien. Un vide. Une faille qui s’est élargie. On s’embarquait pour Shokuzai (l’épatante mini-série japonaise de Kiyoshi Kurosawa sur le meurtre non élucidé d’une fillette) ; on a au bout du compte Cris et chuchotements.

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Dalida ★☆☆☆

Le biopic est devenu depuis quelques années un genre à part entière. Les États-Unis ont lancé la mode en filmant la vie de Ray Charles, de Bob Dylan, de Johny Cash ou de Kurt Cobain ; la France a emboîté le pas.

Le biopic musical est sans risque pour les producteurs, assurés d’attirer les fans de la star. Il est valorisant pour les acteurs qui espèrent y jouer le rôle de leur vie et décrocher le César/Oscar qui consacrera leur carrière. Il est enfin rassurant pour les scénaristes qui savent pouvoir reproduire ad nauseam un schéma bien rodé : la nostalgie de l’enfance, l’ascension vertigineuse, la consécration puis la chute avant l’éventuelle rédemption.

Depuis La Môme il n’est plus guère de rock star qui n’ait pas droit à son hagiographie. Après Cloclo, avant Mike Brant, c’est au tour de Dalida, la star italo-egypyienne à la voix de velours, aux lamés pailletés et au strabisme troublant. Iolanda Gigliotti (1933-1987) a vendu plus de cent millions de disques. Ses grands succès font partie de la culture populaire du vingtième siècle : Bambino, Gigi l’amoroso, Je suis malade, Laissez-moi danser, Mourir sur scène

Lisa Azuelos, la sympathique réalisatrice de LOL, se colle à la tâche et fait honnêtement le job. La vie de Dalida, son lot d’amours malheureuses, ses hits, sont soigneusement filmés. Les quinze millions d’euros investis par Pathé n’ont pas été dépensés en vain. Et on aurait mauvaise grâce de blâmer les acteurs, de la top model italienne Sveva Alviti, aux seconds rôles français bien connus (Jean-Paul Rouve, Nicolas Duvauchelle, Patrick Timsit…).

Le problème, comme souvent dans les biopics, est que celui de Dalida remplit un cahier des charges avant de susciter une émotion. Il y a tant à faire. Raconter la vie d’une femme sur plus de cinquante ans – car la vie de Dalida traverse le siècle et ses modes. Évoquer sa vie privée – car Dalida avant d’être une star est aussi une femme. Écouter ses chansons – car Dalida n’était pas une femme comme les autres. N’en jetez plus ! La coupe est pleine.

Deux heures – les biopics sont souvent longs – ne sont pas de trop. Mais le temps manque pour aller au-delà. Et Dalida se réduit à la peopolisation de la vie amoureuse de la star et à une enfilade de clips en – mauvais – play back.

Évitent cet écueil les biopics qui choisissent plutôt que de (mal) embrasser toute une vie, d’en décrire un seul chapitre emblématique (comme The QueenHitchcock ou, si l’on en croit sa bande annonce, Jackie). Un choix radical et parfois téméraire – j’ai dit ici les réserves que m’inspirait par exemple Neruda – qui a sans doute effrayé les producteurs pusillanimes de Dalida.

La bande-annonce

Fais de beaux rêves ★☆☆☆

Massimo a neuf ans. Il vit avec sa mère une relation symbiotique brutalement interrompue par le mystérieux décès de celle-ci.
Massimo a trente-neuf ans. Son père vient de mourir et il range son appartement avant sa mise en vente. C’est l’occasion pour lui de faire le deuil de sa mère bien-aimée et de découvrir les circonstances de sa mort qui lui avaient jusque là étaient cachées.

A près de quatre vingt ans, Marco Bellocchio s’est assagi. L’époque du Diable au corps et du parfum de scandale qui l’entourait est révolu. La fougue contestataire du militant d’extrême gauche s’est apaisée. Le grand réalisateur préfère désormais la nostalgie à la polémique.

Fais de beaux rêves est un film proustien qui baigne dans une atmosphère hivernale. Il est construit autour d’un personnage qui revisite son enfance. La reconstitution des années 70, de leur esthétique criarde et de leur mobilier infâme, est une vraie réussite. Les tourments du jeune Massimo, privé de l’amour de sa mère, incapable de trouver celui de son père, sont particulièrement bien rendus. Le travail de Massimo adulte pour solder ses traumatismes de jeunesse et trouver goût à la vie avec une jolie docteur (Bérénice Béjo qui parle italien avec un accent charmant) l’est tout aussi bien.

Mais le film est un poil trop long (deux heures et dix minutes) pour ne pas susciter un vague sentiment d’ennui. Même si je trouve plus facilement les mots pour en vanter les qualités qu’en pointer les défauts, je n’y ai pas vraiment trouvé d’intérêt.

La bande-annonce

La Mécanique de l’ombre ★★★☆

Duval (François Cluzet) est au chômage depuis deux ans. Il récupère lentement d’un sévère burn out et soigne chez les AA son alcoolisme. Il est contacté par Clément (Denis Podalydès) qui lui confie un travail nimbé de mystère : il doit retranscrire des interceptions téléphoniques.

La Mécanique de l’ombre est un petit polar qui réussit à merveille à créer une atmosphère prenante. Très classique dans son sujet (le monde poisseux des services secrets), il est très moderne dans son traitement (travail des couleurs, des décors, du son). Son esthétique par exemple n’est pas sans rappeler celle de La Taupe (2011). Sa sortie participe d’un regain d’intérêt pour le film de genres, qu’il s’agisse de la série Le Bureau des légendes ou des films sortis récemment en France : Le Grand Jeu, Une affaire d’Etat, L’Exercice de l’Etat

Sa réussite provient du jeu remarquable de ses acteurs, qui constituent tous des valeurs sûrs du cinéma français : François Cluzet, parfait en cave qui se rebiffe, Denis Podalydès, glaçant en maître-espion, Simon Abkarian, troublant en exécuteur des basses œuvres… Elle provient aussi au scénario qui tient bien la route jusqu’au dénouement final, malin quoique peu crédible.

La bande-annonce

The Fits ★☆☆☆

Toni a onze ans. Elle boxe dans la salle de son frère entourée de garçons plus âgés qu’elle. Elle rejoint parallèlement les Lionnes, un groupe de filles qui pratiquent dans une salle adjacente le drill, une variante musclée du hip hop.

« The Fits » est un film déroutant. Un film sur la boxe sans combat. Un film sur la danse sans musique. Mais aussi un film sur l’enfance sans adultes. Et un film sur les Noirs sans aucun Blanc – si ce n’est la silhouette entr’aperçue d’une psychologue.

À voir la bande-annonce, on imaginait être sur un chemin tracé d’avance : le parcours initiatique d’une gamine sportive qui passe de la boxe au hip hop. Anna Rose Holmer nous surprend autant qu’elle trompe notre attente en introduisant un élément dramatique. Les jeunes danseuses manifestent, les unes après les autres, les mêmes symptômes inquiétants : des convulsions (en anglais « fits »). Quelle en est la cause ? Une maladie sexuellement transmissible ? Un empoisonnement de l’eau potable ? Du coup, l’enjeu du film se déplace. Il ne s’agit plus de savoir si Toni va réussir à intégrer les Lionnes mais de connaître les causes de ces convulsions.

Sans doute aurait-il été d’une banalité paresseuse de traiter, comme on l’a déjà trop fait, l’histoire d’une jeune sportive qui, à force de volonté et de sacrifice, devient championne dans sa discipline. On saura donc grâce à Anna Rose Holmer de nous avoir évité ce film-là. Faut-il pour autant la remercier pour ce film-ci ? Oui, à condition de comprendre ce qu’elle a voulu dire. Plongée immersive dans le corps d’une préadolescente ? Opacité du désir ? Métaphore de la puberté ? Les thèmes que charrient « The Fits » sont trop lourds, trop confus pour convaincre.

La bande-annonce