Years and Years ★★★★

Years and Years (qu’on aurait pu traduire Les années qui passent) racontent l’histoire d’une famille ordinaire de quatre frères et sœurs dans l’Angleterre post-Brexit des années 2020 avec ses nouvelles technologies et son populisme rampant incarné par la politicienne Vivienne Rook (Emma Thompson).

La série avait fait sensation à sa sortie l’an passé, sur BBC One au Royaume-Uni, HBO aux États-Unis et Canal + en France. Je l’ai regardé avec un an de retard mais avec un enthousiasme inentamé : Years and Years dispute à Tchernobyl le titre de meilleure série de l’année.

À quoi doit-elle cette réussite ? À sa capacité à mélanger harmonieusement plusieurs registres.

D’un côté, Years and Years est une dystopie politique et technologique qui louche du côté de Black Mirror en nous décrivant un futur à la fois très proche donc très crédible (une héroïne raconte avec beaucoup de justesse qu’elle s’imaginait, dans sa jeunesse, 2030 comme une date très lointaine et très futuriste et qu’elle est surprise d’en fêter le commencement sans avoir tant changé que cela) mais marqué par de nombreuses évolutions.

Ces évolutions ne sont pas toutes positives qui donnent à Years and Years une tonalité très pessimiste sans jamais pour autant sombrer dans le récit apocalyptique. À l’en croire, les nouvelles technologies, qui abaissent peu à peu la frontière entre l’humain et le non humain (passionnant personnage de Bethany qui fait son « coming out » en révélant à ses parents qui l’attendaient non pas son désir de changer de genre mais celui, plus surprenant, de devenir une « machine »), si elles fluidifient les communications, transforment notre société en immense Panopticon liberticide. Plus inquiétant encore, l’Angleterre post-Brexit sombre lentement dans un populisme xénophobe où la vulgarité (Emma Thompson en rajoute dans la caricature) le dispute à la peur tandis que le monde tout entier va à sa perte.

Cette toile historique s’incarne dans une famille ordinaire. La série de six épisodes d’une heure se donne le temps d’en approfondir chacun des personnages, leur conférant plus d’épaisseur que l’impression première qu’ils donnent : Stephen, l’aîné, bon mari et bon père, révèle des fragilités qu’on n’aurait pas imaginées, Edith, la militante, prend bientôt conscience de l’impasse de son engagement, Daniel, le cadet gay, puise au fond de lui des ressources inattendues pour porter secours à l’homme qu’il aime, Rosie, la benjamine, clouée dans son fauteuil roulant sans que jamais son handicap ne soit instrumentalisé, reviendra trop tard de son engouement spontané pour Vivienne Rook et son parti.

Dystopie politique, chronique d’une famille ordinaire : Years and Years, malgré une petite baisse de rythme autour du troisième épisode, est une réussite absolue. Regardez en le premier épisode – au final à couper le souffle – et vous ne décrocherez plus jusqu’au dernier.

La bande-annonce

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