Fanny Moreau (Lou de Laâge), après un premier mariage raté, a rencontré Jean Fournier (Melvil Poupaud), un homme d’affaires à la réputation sulfureuse qui s’est immédiatement épris d’elle et l’a épousée dans l’année. Fanny y trouve son compte mais ne se satisfait pas totalement d’être devenue une femme-trophée. Ses retrouvailles avec Alain Aubert (Niels Schneider), un ancien camarade d’école, et la liaison qui se noue bientôt entre les deux amants font prendre conscience à Fanny de l’impasse de son couple. Mais Jean, férocement jaloux, ne l’entend pas de cette oreille.
Triquard aux Etats-Unis, Woody Allen est de retour pour son cinquantième film, tourné dans un Paris de carte postale – comme le furent Tour le monde dit I Love You et Midnight in Paris – où l’on s’amuse à reconnaître des lieux familiers devenus, grâce à Emily in Paris, mondialement célèbres : l’avenue Montaigne, la place Monge, les jardins du Palais-Royal (oui ! on pourra dire que la fenêtre de mon bureau – il s’agit en fait d’un velux sous les combles – apparaît dans un plan de Woody Allen !), le Café de l’époque…
Tourné en français, avec des acteurs français, il a, comme le Canada dry de nos 80ies, la couleur d’un Woody Allen, sans en avoir tout à fait le goût. Ses dialogues sont toujours aussi millimétrés ; mais ils n’ont pas en français la même musique. Quant à sa mise en scène, toujours aussi efficace, sans aucun temps mort, qui, malgré les quatre-vingt-sept ans du vieux réalisateur, n’a rien perdu de son énergie et de sa jeunesse, elle a produit sur moi un effet paradoxal : la perfection de son horlogerie est trop lisse pour me toucher.
Le scénario de Coup de chance est un vaudeville de l’adultère bourgeois (les affres de Fanny couplés à la jalousie de Jean) qui tourne au polar dont on n’a le droit de ne rien dire sans spoiler la fin du film. Il n’est, comme souvent chez Woody Allen, qu’un prétexte à une comédie de mœurs. La comédie n’est pas très drôle, comme si le maestro s’était lentement dépouillé avec l’âge de ce goût de la punchline, du trait d’humour, qui avait fait sa célébrité.
Coup de chance se passe dans la (très) haute bourgeoisie parisienne. On peut trouver à redire à cette artificialité hors sol et sortir un carton rouge quand Fanny dit à sa bonne en tablier blanc : « Suzanne, Monsieur prendra un cognac », quand le chauffeur de nos héros les conduit dans leur gentilhommière en Normandie, qu’on croirait tout droit sortie d’une publicité de bellesdemeures.com ou encore quand les amis de Jean évoquent leurs prochaines vacances en Polynésie.
Mais on trouvait moins à redire quand Woody Allen – qui ne joue pas sur le même terrain qu’un Ken Loach et n’y a jamais prétendu – filmait exactement les mêmes milieux new-yorkais.
Coup de chance laisse une impression mitigée. ce n’est pas un chef d’œuvre, à mille coudées des plus grands films new-yorkais du maître, ou même de son Match Point londonien auquel il emprunte en partie son intrigue. Mais c’est un film plaisant, porté par un trio d’acteurs enthousiasmants (Lou de Laâge porte divinement bien le col roulé moulant, Melvil Poupaud est aussi toxique que dans L’Amour et les Forêts, le rôle de Valérie Lemercier, scandaleusement vieillie et amochie, monte en puissance dans la seconde partie).