« Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares » ★★☆☆

Mariani Marin (Iacob Ioana) est metteur en scène de théâtre. Elle travaille à la reconstitution du massacre des Juifs commis en 1941 à Odessa par les troupes roumaines pro-fascistes du général Antonescu.
Ses journées sont bien chargées. Elle doit se documenter sur les événements qu’elle entend relater. Elle doit gérer une vie personnelle compliquée, avec un homme marié dont elle craint d’attendre un enfant. Elle doit recruter des figurants, choisir leur costumes, leur faire répéter des combats soigneusement chronométrés. Elle doit surtout convaincre Movila, un fonctionnaire municipal qui craint que le public n’apprécie pas qu’on exhume les pages sombres du passé national.
Vient le jour du spectacle…

Peu m’importe… est un film difficile. Son titre interminable, son affiche minimaliste, sa durée hors norme annoncent la couleur : on n’est pas là pour s’amuser. Il évoque une page sombre et méconnue de l’histoire européenne : ces quelques années où la Roumanie, vaincue par Hitler, s’allie avec l’Allemagne nazie sous l’autorité du maréchal Ion Antonescu, un « Pétain roumain » et se rend coupable durant l’opération Barbarossa, sur le front de l’Est, de crimes de guerres et de génocide comme à Odessa en octobre 1941.

Radu Jude aurait pu choisir la voie du documentaire pour raconter cette histoire. Il choisit un procédé autrement plus malin. Il imagine un double autobiographique, une jeune metteur en scène de théâtre, qui reconstituerait les faits dans la Roumanie contemporaine. Il fait ainsi d’une pierre deux coups : dévoiler un pan honteux de l’histoire roumaine et dénoncer le nationalisme de ses contemporains.

Car, comme on pouvait le craindre, la reconstitution théâtrale ne se passe pas comme prévue. Nationaliste et anticommuniste, le public applaudit à tout rompre les troupes fascistes d’Antonescu et applaudit à leurs assauts victorieux contre les lignes bolcheviques. Viscéralement antisémite, il ne moufte pas aux exactions commises par les Juifs. Pire : il ceinture un Juif échappé et le renvoie à la mort.

On l’aura compris : la charge est lourde. Et c’est miracle que le film ne soit pas censuré en Roumanie voire qu’il ait été retenu pour représenter le pays aux Oscars du meilleur film en langue étrangère.

Voulant tout à la fois exhumer les pages sombres de l’histoire de son pays et dénoncer le négationnisme qui le ronge, Radu Jude filme à la truelle. Il n’hésite pas à asséner des dialogues assommants où l’héroïne s’épuise à combattre ses contradicteurs, les figurants qui paradent en uniforme nazi, les politiciens qui dénigrent son projet. Sans doute l’énergie qu’il déploie est-il à la mesure des mensonges qu’il veut dénoncer. Mais, aussi salvatrice soit-elle, la charge est rude. Après deux heures, on en sort hébété.

La bande-annonce

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