Toxic ★☆☆☆

Marija et Kristina, deux collégiennes abandonnées à elles-mêmes par des familles qui les dédaignent, s’inscrivent dans un cours de mannequinat. Quitte à se détraquer la santé, elles rêvent de s’arracher au milieu sordide dans lequel elles ont grandi.

Toxic a obtenu le Léopard d’or au dernier festival de Locarno. Son sujet est banal et a déjà été traité bien souvent. À Cannes l’an passé, Diamant brut mettait en scène une adolescente en surpoids qui rêvait de se qualifier pour une émission de téléréalité. On pense aussi au film serbe Clip qui avait défié la censure en filmant très crûment les premières relations sexuelles d’une adolescente dans la banlieue de Belgrade. On ne compte plus les films français  mettant en scène le mal-être d’une adolescente qui peine à sortir de l’enfance et qui fait l’expérience souvent douloureuse de l’âge adulte : Sans toi ni loi d’Agnès Varda, À nos amours de Maurice Pialat, L’Effrontée de Claude Miller, Seize printemps de Suzanne Lindon….

Si Toxic se distingue de cette longue généalogie, c’est en raison de sa forme, étonnamment audacieuse et maîtrisée chez une jeune réalisatrice. Saule Bliuvaite filme ses héroïnes de loin, en plaçant sa caméra très haut dans l’espace. Le procédé pourrait sembler artificiel. Mais il crée un décentrement du regard, un malaise qui est cohérent avec le point de vue du film.

Toxic est néanmoins victime de sa radicalité. Son scénario est très plat. Il refuse d’épicer un récit qui se languit. Par exemple, les tourments que Kristina s’inflige pour perdre du poids, en cultivant un ver solitaire, ne tournent pas au body horror façon The Substance ou Swallow. Aussi l’intérêt qu’on avait pris au début du film se dissipe-t-il bien vite…

La bande-annonce

The Phoenician Scheme ★☆☆☆

Zsa-Zsa Korda (Benicio Del Toro), un richissime capitaine d’industrie, défie les innombrables tentatives d’assassinat perpétrées contre lui par ses concurrents, pour mener à bien un ultime projet. Sa fille unique (Mia Threapleton), à laquelle il vient de léguer sa fortune, et un répétiteur norvégien (Michael Cerra) l’accompagnent dans ce périlleux voyage.

Le dernier film de Wes Anderson fait beaucoup parler de lui dans une actualité cinématographique en pleine dépression post partum après que le rideau de Cannes s’est baissé. The Phoenician Scheme y était d’ailleurs en compétition officielle ; mais l’affiche du film n’évoque même pas cette sélection prestigieuse, la renommée du réalisateur lui assurant à elle seule une publicité suffisante.

Une exposition passionnante est actuellement consacrée à la Cinémathèque française au jeune génie texan, aujourd’hui âgé de cinquante-six ans déjà. Courez la voir si vous avez vu (et aimé) The Grand Budapest HotelMoonrise Kingdom ou À bord du Darjeeling Limited. Vous y verrez des croquis dessinés de la main du réalisateur, des costumes, des accessoires originaux…

J’ai lu sous la plume de la critique qu’après le trou d’air de ses deux derniers films (The French Dispatch et Astéroid City), Wes Anderson était revenu à son meilleur niveau. Certes – mais cela ne nous étonne plus – chaque plan, parfaitement millimétré, aux couleurs parfaitement harmonieuses, à l’éclairage parfait, constitue une œuvre d’art sur laquelle on aimerait s’arrêter. Mais la succession d’images parfaites ne suffit pas à faire un film.

Je fais à Wes Anderson depuis quelques films le même reproche bien sévère : il m’ennuie. Ces scénarios tintinesques n’ont aucun enjeu, aucun rythme, sinon celui de la répétition lassante des mêmes sketches d’une dizaine de minutes chacun qui sont l’occasion d’une (trop) courte apparition d’une des stars qui, au fil des films, s’est ajoutée au tableau de chasse impressionnant de Wes Anderson : Tom Hanks, Mathieu Amalric, Scarlett Johansson, Benedict Cumberbatch…. Sont intercalées entre ces saynètes d’autres en noir et blanc pendant lesquelles le héros, en état de mort clinique, comparaît devant un tribunal céleste, nouvelle occasion de donner une scène à quelques stars qui ne trouvaient pas leur place ailleurs : Willem Dafoe, Bill Murray, Charlotte Gainsbourg….

Mais il est un reproche plus grave encore que j’adresse au cinéma de Wes Anderson depuis The French Dispatch : son refus revendiqué de toute psychologie et, par voie de conséquence, l’absence de toute émotion qu’il suscite. Ses personnages bédéesques (bédéiques ? bédéistiques ?) ne sourient pas, ne pleurent pas. Ce sont des poupées de son qui s’agitent dans des décors aussi parfaits soient-ils.

La bande-annonce