Pour promouvoir Fyre, une nouvelle application mobile, un entrepreneur, Billy McFarland, et un rappeur, Ja Rule, ont imaginé organiser un immense concert sur une île paradisiaque des Caraïbes. En décembre 2016, ils ont tourné une vidéo promotionnelle avec quelques uns des tops models les plus célèbres de l’époque : Kendall Jenner, Bella Hadid, Hailey Baldwin, Emily Ratajkowski… La vidéo faisait miroiter un concert extraordinaire sur une île déserte, au bras des plus belles filles du monde. Les réservations affluèrent immédiatement. Mais, sur place, la préparation du festival prévu en avril 2017 se heurte à bien des déboires.
On a tous, dans notre vie professionnelle ou dans notre vie privée, travaillé à une plus ou moins grande échelle, à la préparation d’un « événement » : les Jeux olympiques, le G7, les assises de la gastro-entérologie, son mariage…. On a tous vécu le stress et l’excitation des jours décomptés, des contre-temps qui s’accumulent, du sentiment grandissant que « rien ne sera prêt à temps »… et finalement, le jour venu, du soulagement qu’en dépit de quelques loupés mineurs que personne n’aura remarqués, « tout finalement s’est bien passé ».
C’est avec une joie mauvaise qu’on assiste à la chronique d’un crash annoncé. Car, hélas, on sait depuis le début, comment la préparation du Fyre Festival s’achèvera : par un immense, chaotique, humiliant désastre. Le jour venu, sur la soi-disant île paradisiaque, dont les promoteurs auront été entretemps délogés, rien ne sera prêt : les jets privés censés transporter les clients se seront transformés en charters low cost, les artistes programmés se seront décommandés les uns après les autres, les villas de luxe n’auront pas été construites à temps et les repas fins concoctés par des chefs s’avèreront n’être que d’insipides toasts au fromage.
Malheureusement, on connaît, depuis le début, la fin de l’histoire. Aussi suit-on les préparatifs fiévreux du festival avec moins d’anxiété. Les interviews des participants à ce fiasco – à l’exception des deux principaux dont les ennuis judiciaires les ont sans doute dissuadés sinon empêchés de témoigner – n’en restent pas moins triplement intéressants. Ils détaillent souvent avec humour les obstacles qu’ils ont rencontrés sans réussir à les surmonter. Ils évoquent simultanément l’électrisante énergie qui les animait tous et qui les laissait espérer que tout finalement finirait par rentrer dans l’ordre. Enfin ils dénoncent l’aveuglement de leur patron, contraint à une suicidaire fuite en avant – au risque d’occulter leur propre responsabilité à l’avoir suivi sur cette pente.
Ces faits étonnants ont inspiré deux documentaires sortis quasiment le même jour en janvier 2019, le premier pour Hulu, le second pour Netflix. Je n’ai pas vu le premier. Le second ne brille pas par ses qualités cinématographiques mais a le mérite de documenter scrupuleusement ce grandiose fiasco.