Les Traducteurs ☆☆☆☆

Pour garantir la confidentialité de la sortie du dernier tome d’une trilogie à succès, oeuvre d’un romancier anonyme, l’éditeur Eric Angstrom (Lambert Wilson) réunit dans un bunker coupé du monde neuf personnes chargées de sa traduction.
Malgré ces mesures de sécurité draconiennes, les dix premières pages du roman sont bientôt mises en ligne gratuitement. Le hacker réclame une rançon faramineuse sous la menace de dévoiler le reste du roman. Le coupable se cache nécessairement parmi les neuf traducteurs.

Le pitch des Traducteurs met l’eau à la bouche. On escomptait le même plaisir à ce Cluedo que celui qu’on a pris, il y a quelques semaines, devant À couteaux tirés. Las ! la déception est aussi grande que l’attente était forte.

Rien ne marche. À commencer par l’interprétation grand-guignolesque de Lambert Wilson qui semble, depuis Matrix, condamné à interpréter des rôles de méchants Mérovingiens, grands seigneurs et grandiloquents. Le reste du casting, très cosmopolite, n’est guère plus convaincant. Les neuf acteurs caricaturent les nationalités qu’ils représentent : l’Italien est beau parleur, l’Allemande maniaque de l’ordre et le Grec…. homo. Soupirs. Même la toujours excellente Sidse Babett Knudsen, l’héroïne de Borgen, réussit à mal jouer. [Au passage, on se demande bien pourquoi le roman serait traduit en danois et en grec et pas en arabe, en japonais ou en turc]

L’intérêt d’un whodunit repose sur deux ingrédients : l’épaisseur de l’énigme et la subtilité de sa résolution. Hélas, les deux font défaut. L’énigme se réduit au résumé que j’en ai fait tout à l’heure. Sa résolution qui essaie pathétiquement de multiplier les rebondissements – y inclus une scène d’action sur la ligne 6 du métro dont on apprendra plus tard qu’elle ne servait à rien – défie l’entendement et n’excite jamais l’intelligence.

Une catastrophe pathétique…

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Waves ★★★☆

Tyler et Emily sont deux rejetons de la classe moyenne supérieure. La vie pour eux sous le soleil de Floride, dans la splendide maison de leurs parents, pendant les dernières années de lycée, ressemble à un rêve éveillé. Coaché par son père qui lui impose une discipline de fer, Tyler est un des meilleurs éléments de l’équipe de lutte. Il vit une idylle avec Alexis, l’une des plus jolies filles du collège.
Mais une ombre pèse sur la carrière sportive de Tyler : une douleur persistante à l’épaule dont il ne réussit pas à se débarrasser.

Il est difficile de présenter Waves dont les quelques lignes ci-dessus ne donnent qu’un aperçu très partiel. Le film réserve bien des surprises et j’invite les spectateurs qui souhaiteraient qu’elles ne leur soient pas dévoilées à passer directement au paragraphe suivant. Waves est en effet la lente descente en enfer de Tyler qui, par la faute de sa blessure, devra interrompre la pratique du sport et qui, apprenant la grossesse d’Alexis, refusant la décision de la jeune fille de ne pas l’interrompre puis de rompre avec lui, la tuera dans un moment d’hystérie. Le film pourrait s’arrêter à sa condamnation à perpétuité qui laisse derrière elle une famille en miettes ; mais un second film, plus doux, commence, avec Emily, la sœur cadette comme héroïne. On la voit tomber amoureuse de Luke, un camarade de Tyler, et l’accompagner au Missouri pour une dernière visite à son père mourant.

On comprend alors le vrai sujet de Waves, qui était déjà celui des deux précédents films de Trey Edward Shults (Krisha, inédit en salles quoique couvert de prix, et It Comes at Night) : la famille, les poisons qui rongent les membres qui la composent et sa capacité unique à les aider à y faire face ensemble.

Cette thématique, me direz-vous, n’est pas nouvelle. Elle est terriblement américaine. Et ses relents chrétiens ne peuvent qu’inspirer méfiance aux dangereux laïcards que nous sommes de ce côté-ci de l’Atlantique, plus prompts à vanter les joies de l’adultère que la concorde familiale autour de la dinde de Thanksgiving.
Certes. Mais ce sujet, aussi banal et horripilant soit-il, est ici servi par une mise en scène hors normes. Les premières minutes du film suffisent à s’en convaincre qui voient le réalisateur nous démontrer toute sa maîtrise avec un panoramique à 360° tourné à l’intérieur de la voiture de Tyler et Emily roulant toutes fenêtres ouvertes, la radio hurlante, face à la skyline de Miami. Le reste du film est au diapason, très stylisé, parfois aux limites de l’ostentation, qui nous emporte néanmoins par son panache.

Mystère de la distribution, Waves sort dans cinq salles parisiennes et n’est pas visible en province : une salle à Marseille, une autre près de Lille, aucune dans la métropole lyonnaise. Quand on sait le triomphe critique et public de Moonlight, Oscar du meilleur film 2017, auquel Waves fait penser par bien des aspects, cette omerta est incompréhensible.

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Histoire d’un regard ★★★☆

Gilles Caron (1939-1970) a couvert pour l’agence Gamma l’actualité avant de disparaître au Cambodge. Il est l’auteur de quelques unes des photos les plus iconiques de l’époque. La documentariste Mariana Otero reprend ses planches contacts et décrypte les photos qu’il a prises au Vietnam, au Biafra, au Tibesti, en Israel pendant la guerre des Six Jours, en Irlande du Nord et à Paris pendant mai 68.

Le numérique a révolutionné le photojournalisme. Aujourd’hui, un photographe peut prendre des centaines de photos sans se soucier de changer de pellicules. Il peut immédiatement en apprécier le résultat et prendre les mesures correctives appropriées. Dans la seconde, elles seront transmises à l’autre bout de la planète et seront mises en ligne dans l’heure, là où leur publication dépendait jadis d’un cheminement laborieux par le prochain avion.

Mais c’est moins à l’exercice d’une profession que s’intéresse Mariana Otero  qu’au regard d’un homme disparu dans la fleur de son âge. Le destin de Gilles Caron résonne avec celui de la mère de la documentariste, la peintre Clotilde Vautier, décédée en 1968 des suites d’un avortement clandestin, à laquelle elle avait consacré en 2003 Histoire d’un secret.

Avec une patience de laborantine, Mariana Otero développe les planches contacts de Gilles Caron, en tapisse les murs de son appartement, les reclasse dans l’ordre chronologique et identifie les lieux où ses photos ont été prises. C’est ainsi qu’elle reconstitue, en compagnie de l’historien Vincent Lemire, le cheminement de Gilles Caron, avec les troupes de Moshe Dayan à l’intérieur de Jerusalem reconquise pendant la guerre des Six Jours jusqu’au Mur des Lamentations. De la même façon, elle décrypte le concours de circonstances qui a conduit à la célèbre photo de Daniel Cohn-Bendit durant mai-68, jetant à un CRS imposant un regard narquois devant les portes de la Sorbonne.

Histoire d’un regard réussit à faire revivre une époque, celle de la fin des années soixante, avec son grain noir et blanc et ses voix nasillardes. Mais c’est surtout un hommage pudique à un homme trop tôt disparu et à son oeuvre dont on ne saura jamais quelles évolutions elle aurait pu connaître.

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L’Apollon de Gaza ★★★☆

En août 2013, une statue grecque, dans un extraordinaire état de conservation, est retrouvée par des pêcheurs au large de Gaza. La nouvelle agite vite le monde des conservateurs et des collectionneurs. Mais bientôt l’Apollon de Gaza disparaît.

Le documentariste suisse Nicolas Wadimoff mène l’enquête entre Jérusalem et Gaza en interrogeant tous les protagonistes de l’affaire. On peut d’ores et déjà le dire sans gâcher le suspense : ses recherches seront vaines et le mystère de l’Apollon de Gaza reste entier.

Mais l’histoire est suffisamment originale, ce qu’elle raconte est suffisamment éclairant sur le monde de l’art et sur la situation géopolitique de Gaza qu’elle mérite d’être comptée.

D’abord, on s’interroge sur la réalité même de cette statue. A-t-elle vraiment été découverte ? Ou n’est ce pas une « légende urbaine » ? L’Apollon de Gaza documente-t-il des faits réels ou est-il un « docu-menteur » à l’image de l’excellent Challat de Tunis qui racontait en 2014 la vraie-fausse histoire d’un motocycliste tunisien qui balafrait les fesses des passantes vêtues trop légèrement.

Une fois l’existence de la statue avérée, il faut documenter son origine. S’il semble acquis qu’elle ait été découverte en mer, y était-elle depuis longtemps ou y avait-elle été jetée plus récemment pour dissimuler une autre origine : un lopin de terre dont les propriétaires réclameraient leur part ? l’Égypte d’où la statue aurait été importée illégalement à travers les fameux « tunnels » de Gaza ?

Autre question : son authenticité. S’agit-il d’un faux grossier ? Mais, si c’était le cas, comment aurait-il pu être fabriqué à Gaza où les capacités pour fondre 700 kg de bronze font défaut ?

Et enfin, une fois toutes ces questions préalables tranchées, il faut éclaircir les conditions de sa disparition. A-t-elle déjà été vendue à un riche collectionneur privé ? Est-elle enterrée par un particulier qui attend que la rumeur soit retombée pour la faire sortir de Gaza et la mettre sur le marché ? A-t-elle été réquisitionnée par l’État palestinien, lui-même divisé entre les autorités de Gaza et de Ramallah ?

Même si le documentaire de Nicolas Wadimoff n’innove guère par sa forme, son sujet st si original, si intrigant que L’Apollon de Gaza mérite d’être vu… en attendant que soit peut-être un jour exposée la statue qui lui a donné son titre.

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Revenir ★★☆☆

Douze ans plus tôt Thomas (Niels Schneider) a quitté la ferme familiale pour aller s’expatrier au Canada. Il y revient pour sa mère (Hélène Vincent), mourante. Mais le conflit qui l’oppose à son père (Patrick d’Assumçao) n’a pas trouvé sa solution. Entretemps son frère est mort dans des circonstances mystérieuses. Il laisse une veuve, Mona (Adèle Exarchopoulos) et un petit garçon.

Revenir creuse un sillon décidément à la mode : le drame rural. Mais il n’a pas la puissance de Petit paysan ou de Au nom de la terre (dont on espère très fort qu’il ne repartira pas bredouille de la prochaine cérémonie des Césars où il est trois fois nommé). La comparaison avec ces deux succès récents le condamne à l’invisibilité.

Pourtant ce petit film modeste, de soixante-dix sept minutes seulement, n’est pas sans charme. Il le tire de ce portrait très juste d’une famille meurtrie : meurtrie par la disparition brutale du frère, meurtrie par la mort imminente de la mère, meurtrie par la lente agonie d’une exploitation agricole condamnée à la faillite.
Il le tire aussi de la passion incandescente qui se développe entre Thomas et Mona. La photo de l’affiche est bien choisie où l’on voit Niels Schneider dévorer Adèle Exarchopoulos des yeux. Dans la moiteur de l’été, leurs deux corps se cherchent… et se trouvent. À la place de Virginie Effira, je me ferais du souci !

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Cuban Network ★★★☆

Cuba. 1990. L’île communiste, privée du soutien de l’URSS étouffe sous l’embargo américain. Sans prévenir personne, René Gonzalez (Edgar Ramirez) décide de faire défection, abandonne sa femme et sa fille et rejoint Miami aux manettes d’un avion de tourisme. Quelques mois plus tard, un autre officier de l’armée de l’air cubaine le rejoint. Les deux hommes rejoignent à Miami la Fédération nationale américo-cubaine, un groupe de résistance anti-castriste qui porte secours aux réfugiés cubains qui tentent de gagner les côtes américaines à bord d’embarcations de fortunes mais qui est aussi impliquée dans le trafic de drogue et la réalisation d’actions violentes sur l’île.

Olivier Assayas est décidément un réalisateur à plusieurs facettes. Il réalise des grands drames bourgeois (Les Destinées sentimentales adapté de Chardonne, L’Heure d’été…) ou de petits thrillers futuristes (Demonlover, Boarding Gate…). Les pieds solidement ancrés en France, il a la tête tournée vers l’Asie – dont il fut l’un des premiers à s’intéresser au renouveau du cinéma alors qu’il était critique aux Cahiers – et vers l’Amérique latine.

Ce Cuban Network s’inscrit dans la veine de Carlos, le biopic-fleuve qu’il avait tourné en 2010 avec, déjà, Edgar Ramirez dans le rôle titre.
Son scénario est foisonnant, avec ses nombreux personnages et ses multiples rebondissements, plus ou moins inspirés d’une histoire vraie. Mais, sauf à se faire accuser de dévoiler le ressort du film, on ne peut évoquer l’histoire vraie dont il s’inspire.

Cuban Network se regarde comme une mini-série. C’est sa principale qualité. Mais c’est aussi son principal défaut.
Pendant plus de deux heures, on ne regarde pas sa montre tant l’action est dense et le film prenant. On est immédiatement en sympathie avec René Gonzalez, le héros du film, autour duquel toute l’histoire se construit, et avec sa femme, interprétée à la perfection par la toujours parfaite Penelope Cruz. La galerie de personnages cubains qu’ils croisent, castristes, anti-castristes, espions et agents doubles, est croustillante. À commencer par Walter Moura, l’acteur brésilien rendu célèbre par son interprétation de Pablo Escobar dans la série à succès Narcos. Un coup de chapeau à Ana de Armas dans un rôle ingrat, belle comme le diable.

Mais, on se demande si ce matériau, si riche, ne se serait pas précisément mieux prêté à la réalisation d’une mini-série. Le scénario est si dense qu’on aurait aimé qu’Olivier Assayas prenne un peu plus de temps pour le raconter. Je me plains souvent que les films soient trop longs. Je regrette que Cuban Network ait été trop court. Jamais content…

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Jojo Rabbit ★★★☆

Allemagne. 1945. La Seconde guerre mondiale est sur le point de se terminer. Jojo (Roman Griffin Davis) a dix ans et pour lui tout est jeu. Il adore porter l’uniforme de la Deutsches Jungvolk qui fait subir à la jeunesse allemande un lavage de cerveau afin de l’enrégimenter dans l’effort de guerre. Et il n’a qu’une seule angoisse : ne pas être intégré à cette chaleureuse fraternité dirigée par un capitaine borgne de la Wehrmacht (Sam Rockwell). Pour le rasséréner, Jojo peut compter sur l’amour indéfectible de sa mère (Scarlett Johansson) et sur son ami imaginaire, Adolf Hitler (Taika Waititi).

Jojo Rabbit nous montre la Seconde guerre mondiale, sa violence, son idéologie dévoyée, son antisémitisme idiot à travers les yeux d’un enfant. La perspective n’est pas nouvelle. On ne compte pas les films ou les livres qui ont embrassé le même point de vue, percutant l’innocence de l’enfance au chaos meurtrier de la guerre : Le Journal d’Anne Franck, Un sac de billes, L’Oiseau bariolé, Requiem pour un massacre, La Voleuse de livres… Mais, dans toutes ces oeuvres, le ton était grave, sinon tragique. Jojo Rabbit prend le parti de la comédie voire de la farce.

Traiter la Seconde guerre mondiale par l’ironie n’est pas non plus nouveau. De grands réalisateurs l’ont déjà fait : Chaplin, Lubitsch, Brooks, Tarantino… La vie est belle de Roberto Benigni est la référence qui vient la plus spontanément à l’esprit. L’histoire de ce gamin déporté dans un camp de concentration, qui y survit grâce à la loufoquerie déployée par son père, fut un immense succès critique (Grand prix du jury à Cannes, Oscar du meilleur acteur et du meilleur film étranger, César du meilleur film étranger…) et public (plus de dix millions d’entrées en Italie, près de cinq en France…)

La vie est belle réussissait à faire le grand écart entre le rire et les larmes. Jojo Rabbit y réussit aussi. Je comprends les critiques qui estiment que, une fois le pitch exposé, le film fait un peu du surplace. Mais la découverte dans la maison de Jojo d’une jeune fille juive hébergée en cachette par sa mère (formidable Thomasin MacKenzie découverte dans Leave No Trace et à laquelle on souhaite une brillante carrière) le relance au bon moment.

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Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part ★★★☆

Les quatre enfants d’Aurore (Aurore Clément) l’entourent pour son soixante-dixième anniversaire dans sa grande maison de campagne : Jean-Pierre (Jean-Paul Rouve), l’aîné, est marié et père de famille mais n’a jamais oublié son premier amour ; Juliette (Alice Taglioni) apprend qu’elle attend enfin son premier enfant ; Mathieu (Benjamin Lavernhe) n’ose pas avouer sa flamme à une collègue de bureau ; Margaux (Camille Rowe), la benjamine, n’arrive pas à vivre de son art.

Dans les années 2000, comme la France tout entière, j’ai cédé à la Gavalda-mania. Je l’ai découverte avec Je l’aimais (porté à l’écran par Zabou Breitman avec Daniel Auteuil et Marie-Josée Croze). Deux ans plus tard, je dévorais d’une traite  les six cents pages de Ensemble c’est tout (adapté par Claude Berri himself avec Audrey Tautou et Guillaume Canet). Du coup, j’achetais son tout premier recueil de nouvelles au titre tarabiscoté. Et puis Anna Gavalda a disparu. En 2013, elle a publié Billie, étrillé par la critique, que je n’ai pas lu. Et en 2017 un recueil de nouvelles qui sent trop les fonds de tiroir pour être crédibles.

Il a fallu attendre plus de vingt ans pour que Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part soit porté à l’écran. La tâche en est revenue à Arnaud Viard. En 2003, ce jeune réalisateur signait son premier film, Clara et moi, pour lequel j’avais eu un coup de foudre, au point de le classer dans mon Top 10 et d’en acheter la BO. ce blog n’existait pas encore ; mais je lui aurais mis sans hésiter quatre étoiles.

Il n’est pas facile de porter à l’écran un recueil de nouvelles. Je n’ai qu’un souvenir très confus de leur contenu. Aussi serai-je bien incapable de dire lesquelles Arnaud Viard a retenues, lesquelles il a écartées dans ce film choral quit met en scène quatre frères et sœurs.

Les acteurs y sont parfaits, à commencer par Jean-Paul Rouve qui, depuis quelques années, abandonne peu à peu le registre comique qui a fait son succès. Il est très émouvant dans le rôle de ce quadragénaire nostalgique, dévoré par le regret. Elsa Zylberstein a un petit rôle. C’est le troisième film d’elle qu’on voit en quinze jours après Selfie et Je ne rêve que de vous, tous deux sortis le 15 janvier. Et on réalise que sa voix haut perchée et ses yeux qui rient manquent au cinéma français. Enfin, il y a Camille Rowe, qui, non contente d’être la plus belle fille au monde, démontre qu’elle sait jouer.

Leurs vies banales ressemblent aux nôtres, avec leurs joies et leurs peines. On pleure beaucoup. Mais Je voudrais… n’en est pas pour autant un film larmoyant. Car ses larmes sont pudiques. Ses larmes font paradoxalement du bien. Je voudrais… est un feel-good movie triste, un mélodrame qui fait du bien.

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Le Photographe ★★☆☆

Rafi est un Indien pauvre qui a quitté son village pour Bombay afin d’y rembourser la dette contractée par son père et racheter la maison familiale. Installé dans un appartement minuscule qu’il partage avec quelques camarades d’infortune, il travaille sur le front de mer, à la Porte de l’Inde, où il prend les touristes en photo. C’est là que sa route croise celle de Miloni, une jeune étudiante, première de sa classe, issue de la classe moyenne, dont les parents sont en train d’organiser l’avenir.
Pressé par sa grand-mère de se marier, Rafi lui envoie une photo de Miloni en prétendant qu’il va l’épouser. Mais les choses pour lui se corsent quand sa grand-mère lui annonce sa venue prochaine à Bombay pour faire la connaissance de Miloni.

Un tel pitch aurait pu donner lieu à un film comique fait de quiproquos et de renversements, façon Au théâtre ce soir. Mais telle n’est pas la marque de fabrique de Ritesh Batra qui revient en Inde après un détour (pas vraiment convaincant) par Hollywood, six ans après le succès mondial de The Lunchbox. Le monde entier – moi inclus – avait été séduit par cette romance délicate entre une épouse mal mariée et un employé de bureau timide qu’un destin malicieux réunissait par le biais d’un panier-repas mal distribué.

C’est un peu le même principe qui est appliqué dans Le Photographe. Un titre mal choisi car il braque les projecteurs sur l’un des deux héros au détriment de l’autre. La Photo ou Le Mariage aurait été un titre plus pertinent qui, comme le panier-repas du film précédent, aurait insisté sur le medium mettant en relation les deux protagonistes.

Loin des comédies musicales virevoltantes auxquelles Bollywood nous a habitués, Ritesh Batra nous offre l’image d’un cinéma indien tout en subtilités – dont d’ailleurs la principale cible n’est pas domestique mais internationale. Il y est question de sentiments, comme dans toute romance. Mais il y est surtout question de relation de classes comme c’était déjà le cas dans l’excellent Monsieur (qui méritait dans mon souvenir une étoile de plus que les deux que je lui ai mégottées). Il ne s’agit pas ici de la relation entre une servante et son patron comme dans Monsieur mais entre deux amoureux d’une classe sociale différente.

Sanya Malhotra est parfaite dans le rôle de la jeune fille, d’une maladive timidité, qui a laissé ses parents prendre sa vie en mains. Le grand acteur Nawazuddin Siddiqui, qui jouait déjà dans The Lunchbox, est bien trop vieux pour interpréter Raffi, un rôle qui aurait dû échoir à un acteur plus jeune qui aurait donné plus de crédibilité au couple et à leurs sentiments.

La fin du film est surprenante. Elle a laissé la salle sur sa faim, qui s’est répandue, dès les lumières rallumées, en interrogations bruyantes et en commentaires désemparés. On n’en dira pas plus, sinon qu’elle est aussi frustrante que stimulante.

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K contraire ★☆☆☆

Le jeune Ulysse (Sandor Funtek, la révélation du film) vient de passer six mois en prison pour trafic de stupéfiants. Sa mère (Sandrine Bonnaire, qui depuis plus de trente ans creuse dans le cinéma français un sillon bien à elle à mi-chemin de Catherine Deneuve et de Juliette Binoche), profondément dépressive, exige des soins quotidiens et coûteux. Pour les financer, Ulysse n’a d’autre solution que de replonger dans la criminalité. Avec David (Alexis Manenti découvert dans Les Misérables), il croit tenir la martingale pour gagner rapidement de l’argent : investir dans un food truck et vendre des boissons coupées à la kétamine dans une rave party organisée dans le Poitou.

Des petits films français nerveux sur des jeunes en rupture avec l’ordre social, on en a déjà vu treize à la douzaine, sans remonter aux Quatre cents coups, Sans toi ni loi ou Le Petit Criminel. Certains sont inoubliables (Shéhérazade), d’autres sont oubliés quatre mois après les avoir vus (Mon frère).

Il y a fort à craindre que ce K contraire ne soit relégué dans cette seconde catégorie. Sans doute son interprétation est-elle excellente, à commencer par son jeune héros qu’on reverra bientôt dans le biopic qu’Audrey Estrougo consacre aux débuts de NTM. Mais, son sujet est trop banal, son scénario trop alambiqué – qui nous balade entre Paris et la province – et son montage trop maladroit – qui alterne des scènes trop étirées et de soudaines ellipses qui en brouillent la compréhension – pour marquer durablement les cœurs et les esprits.

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