Survivant des camps de l’Angkar, le réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh a passé sa vie à documenter les massacres qui ont coûté la vie à toute sa famille et à plusieurs millions de ses compatriotes.
Après une résidence au Japon, il consacre son dernier documentaire, qui relève autant du cinéma que de l’installation, aux séquelles des guerres, atomiques ou conventionnelles, qui ont ensanglanté le vingtième siècle, de Verdun à Auschwitz, de Hiroshima à Srebrenica, et qui ont laissé leurs marques dans la chair des hommes.
Irradiés est une longue encyclopédie du mal. Les images qu’il montre sont dures, parfois insoutenables : cadavres décharnés retirés des chambres à gaz nazies, survivants irradiés des explosions nucléaires d’Hiroshima ou de Nagasaki, photographies anonymes des détenus de S21, la prison de Phnom Penh… D’ailleurs le film est interdit aux moins de douze ans en France. Quelques spectateurs, visiblement choqués, ont quitté la salle en cours de séance.
Pour présenter ces documents, Rithy Panh découpe l’écran en trois bandes verticales et projette dans chacune des images similaires ou différentes. Quel effet veut-il ainsi créer ? Une mise en abyme ? Un vertige ?
Irradiés ne peut qu’inspirer une admiration révérencieuse. Les faits qui y sont relatés sont si terribles qu’on ne peut, comme face à Nuit et brouillard de Resnais, que se taire. On serait bien mesquin de lui reprocher son texte emphatique, lu par André Wilms et par Rebecca Marder (dont c’est le second film à l’affiche cette semaine !), ou ses acteurs de nô qui errent dans des ruines post-apocalyptiques, seules scènes de fiction, bien incongrues. On n’osera pas avouer qu’on s’est vite ennuyé de ces images d’archives déchirantes, sans début ni fin, sans indications d’origine, répétées ad nauseam… mais on n’en pense pas moins.