Eva Carlton, Framboise, Galipette, Lulubelle, Antoine, Pétunia, Roxane, Sweety, Morian, Golda, Vénus, Lulu, Gia : Les Reines de la nuit s’attache aux pas de treize transformistes qui se produisent dans des cabarets.
Christiane Spiéro tenait un sujet en or. Elle interviewe treize travestis – le mot, trop connoté, est passé de mode – chez eux, dans leur environnement quotidien, loin des strass et des paillettes. Ils sont tous différents : des jeunes, des vieux, des beaux, des laids. Certains sont un peu paumés entre leurs doubles vies ; d’autres l’assument parfaitement. Ils sont tous gays, mais très virils et revendiquent cette masculinité, à l’exception d’une, Roxane, qui a franchi le pas et s’est faite opérer, et d’un.e autre, Romain/Morian, qu’on sent prêt.e à le faire. Leur vie sentimentale n’est pas simple : ils sont mal vus des gays (et doivent parfois cacher leur profession à leurs amants) et suscitent chez les hétéros des réactions ambiguës de fascination et de répulsion.
Mais tous ont en commun un formidable plaisir à pratiquer leur art. Un art auquel ils consacrent leur vie, leur temps et leur argent : il faut voir le soin maniaque que chacun prodigue à ses numéros, à son maquillage, à sa coiffure, à ses robes. Un transformiste doit être multi-tâches : chanteur, danseur, chorégraphe, éclairagiste, couturier, coiffeur, maquilleur…
Un art aussi où ils s’accomplissent et qui les a sauvés. Pour chacun, la scène est un accomplissement et une libération. Dans les interviews qu’elle a recueillies, Christiane Spiéro nous livre des pans de vie parfois tragiques, témoignages bouleversants d’une homophobie ordinaire qui laisse sur le trottoir des enfants reniés par leurs parents, chassés du foyer familial. Le cabaret devient pour eux un refuge et une nouvelle famille.
Les Reines de la nuit souffre hélas de sa facture télévisuelle très convenue. C’est bien le comble pour un tel sujet qui donnerait presque aux plus audacieux le désir de chausser des hauts talons pour la première fois de leur vie et aux autres, plus sages, d’assister à une soirée cabaret.