Stillwater ★★★☆

Bill Baker (Matt Damon) est Américain. Sa fille Allison (Abigail Breslin, ex-Little Miss Sunshine) a été condamnée pour avoir tué sa petite amie, alors qu’elle était étudiante à Marseille. Elle purge aux Baumettes sa peine en clamant son innocence. Son père, alcoolique repenti et born again, vient régulièrement lui rendre visite. Quand Allison le lance sur une nouvelle piste que son avocate refuse de creuser, c’est lui qui décide de mener l’enquête, en dépit du barrage de la langue et du fossé culturel. Virginie (Camille Cottin), une Française rencontrée par hasard, lui apporte son concours.

On pouvait redouter le pire en découvrant le pitch de Stillwater et sa bande-annonce : une énième resucée de Taken où Matt Damon endosserait le costume fripé de Liam Neeson pour aller sauver sa fille au pays des froggies. Mais c’était mal connaître Tom McCarthy, le réalisateur tout en finesse de Spotlight (Oscar 2016 du meilleur film et du meilleur scénario original) et Matt Damon qui est décidément l’un des plus grands acteurs américains de sa génération, aussi brillant sinon plus que Tom Hanks ou Leonardo DiCaprio qui injustement l’éclipsent.

Stillwater réussit en effet à surprendre par son intelligence. Il ne se réduit pas au thriller qu’on avait imaginé. Son intrigue prend le temps (le film dure deux heures vingt sans qu’on regarde une seule fois sa montre) d’un détour par le drame familial. Son vrai sujet se dessine lentement : il s’agit moins d’élucider les circonstances du crime dont Allison est accusée que de réconcilier un père et sa fille. Le plus intéressant est le cadre dans lequel il est filmé : Marseille qui décidément, après Bac Nord et Bonne mère, est à la mode cette année.

Tom McCarthy aurait pu se contenter d’en faire un décor de carton pâte vaguement exotique. Mais, ce lecteur de la trilogie marseillaise de Jean-Claude Izzo a eu l’intelligence de s’entourer de Thomas Bidegain et Noé Debré, les scénaristes de Jacques Audiard. À contrepied des films américains dans lesquels tout le monde parle anglais, le personnage joué par Matt Damon se heurte frontalement à la barrière de la langue. Il découvre un Marseille bigarré : celui des banlieues Nord et celui du septième arrondissement. Subtilité supplémentaire : Virginie n’est pas une marseillaise de souche mais une parisienne qui est venue s’y installer comme beaucoup aujourd’hui.

Dans ce biotope là, Matt Damon réussit de bout en bout à coller à son rôle : celui d’un redneck bourru, la casquette vissée sur le crâne. Sa composition restera l’une des meilleures surprises de l’année et lui vaudra peut-être en mars prochain l’Oscar qu’il n’a jamais eu.

La bande-annonce

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