À la mort de son père, un homme autoritaire, passionné de chasse au gros gibier, Guillaume (Arieh Worthalter), un inspecteur de police, décide de céder la gérance du bowling dont il a hérité à Armand (Achille Reggiani), son demi-frère qui exerçait jusqu’alors un emploi de vigile dans une boîte de nuit. Guillaume enquête sur une série de crimes commis sur des jeunes femmes dont les corps violentés sont retrouvés dans le cimetière où son père a été enterré.
Sélectionné à Locarno, Bowling Saturne est un film dérangeant interdit aux moins de seize ans qui montre frontalement une violence sombre, animale, d’autant plus inquiétante et menaçante que le film postule qu’elle est tapie au fond de chacun d’entre nous et peut surgir à tout moment. Il est l’oeuvre de Patricia Mazuy, une cinéaste confirmée dont les précédentes réalisations (Saint-Cyr, Sport de filles, Paul Sanchez est revenu !) ne laissaient en rien augurer un tel changement de pied.
Son sujet, qui louche vers la tragédie grecque en mettant en scène deux frères ennemis, ses partis pris esthétiques, avec ses filtres rouges et ses décors hyper-signifiants à l’extrême opposé du naturalisme (l’entrée du bowling filmée comme une bouche de l’enfer, l’appartement du père, véritable grotte cauchemardesque) et surtout sa thèse transgressive étaient tous très inspirants. Bowling Saturne nous livre vers sa vingtième minute sa scène la plus impressionnante, qui révèle l’identité du meurtrier que Guillaume poursuit et qui atteint l’acmé de la violence.
Mais hélas, Bowling Saturne, malgré ce programme hypnotisant, déçoit plus qu’il ne convainc. Ce n’est pas tant sa violence qui révulse que, finalement, son manque d’originalité. Le film pâtit d’un scénario lourdement prévisible et d’un manque désespérant de rythme ; il s’étire sur près de deux heures ; il est desservi par son interprétation calamiteuse : le refus de faire jouer tout visage connu – sinon peut-être celui de Arieh Worthalter – ne se serait justifié qu’à condition de confier ces rôles à des acteurs autrement solides et dirigés. Dommage…