Le réalisateur Olivier Assayas a hérité de ses parents une propriété familiale à Montabé en vallée de Chevreuse. Pendant le confinement, il s’y est installé avec son frère, comme d’autres Français qui avaient le privilège d’être propriétaires d’une résidence secondaire. Il revisite cette parenthèse hors du temps sous une forme fictionnelle en faisant endosser son rôle par Vincent Macaigne et celui de son frère, critique de musique à la radio, par Micha Lescot.
Au début de Hors du temps, on voit des photos d’une campagne printanière et édénique. Ce sont les images de cette propriété familiale et des bois qui l’entourent dont la voix off d’Olivier Assayas nous raconte l’histoire et l’attachement qu’il lui voue. On s’imagine convié à un documentaire proustien, familial et autobiographique ; mais Hors du temps prend bien vite une autre direction.
Il s’agira d’une fiction, jouée par des comédiens connus (aux côtés des deux acteurs masculins, on reconnaît Nora Hamzawi, toujours juste, et la débutante Nine d’Urso, que j’avais confondue avec Clotilde Hesme). J’en ai lu des critiques exécrables. On lui reproche son nombrilisme, son germanopratisme. Sans doute suis-je moi-même trop nombriliste et trop germanopratin pour que cela m’ait dérangé. Certes, j’ai trouvé que Hors du Temps était horriblement mal joué, que ces dialogues trop écrits sonnaient faux, comme du mauvais Rohmer.
Mais Hors du temps m’a ramené quatre ans en arrière, à cette période si particulière que nous avons tous vécue à notre façon et que nous n’oublierons pas de sitôt, dans ce temps suspendu où, bizarrement, nous avons retrouvé une part de liberté dont le traintrain quotidien boulot-métro-dodo nous avait aliéné. Sans doute, les réactions des deux personnages frisent-elles la caricature : Macaigne nourrit sa hantise du virus des informations glanées sur des sites Internet douteux tandis que Lescot peste contre des règles administratives absurdes qui entravent sa liberté. Mais l’honnêteté oblige à dire que nous avons tous, chacun à notre façon, oscillé entre ces deux réactions-là.
J’ai aimé replonger dans cette époque-là, dans ce temps vide qu’on pouvait occuper à son gré, à faire ce qu’on n’avait jamais eu le temps de faire (lire Les Trois Mousquetaires, vider la cave….), dans cette cohabitation obligée, à la fois étouffante et rassurante avec nos proches, dans ces repas amoureusement préparés, généreusement arrosés et lentement partagés. Hors du temps a le mérite de nous faire revivre ces moments-là et de nous interroger : qu’en avez-vous fait ? en quoi vous ont-ils transformé ?