Assassin’s Creed ☆☆☆☆

Callum Lynch a une lourde hérédité. Son père a assassiné sa mère sous ses yeux. Son lointain ancêtre était, à la fin du XVème siècle, un membre de la secte des Assassins. Autant de motifs qui en font un cobaye de choix pour Sofia Rikkin et son père qui consacrent leur vie à une entreprise folle : isoler le gène du libre arbitre afin d’éradiquer à tout jamais la violence de l’Homme. Grâce à l’Animus, une nouvelle technologie qui permet de revivre les expériences de ses aïeuls, Cal est envoyé dans l’Espagne de l’Inquisition en 1492 où il affronte l’Ordre des Templiers.

Vous n’avez rien compris ? ne l’avouez jamais ! « Assassin’s  Creed » est adapté d’un jeu vidéo mondialement connu dont personne n’ignore la trame. Sauf vous !

Hélas ce handicap nuira largement au plaisir que vous pourriez prendre à ce film. Car vous consacrerez une bonne partie de votre cerveau disponible à essayer de comprendre les méandres d’un scénario particulièrement complexe… et totalement incohérent.

Ou alors il faut prendre le film différemment. Comme un jeu vidéo à plusieurs écrans. Sur un premier écran, en 2016, Cal est le prisonnier des Rikkin. Sur un second écran, en 1492, il combat dans de fascinantes chorégraphies les méchants Templiers.

Et le film, de très complexe, devient très simple. Trop simple même. Car, comme dans tous les jeux vidéos, de deux choses l’une. Soit votre personnage meurt et vous recommencez la partie … ce qui n’est pas très facile à mettre en film. Soit votre personnage l’emporte et il passe au combat suivant.

C’est ce que Michael Fassbender, la mâchoire serrée, va faire pendant deux heures. Livrer des combats difficiles mais victorieux… puis passer au combat suivant. Que croyez-vous qu’il adviendra à la fin du film ? Il livrera un combat victorieux … en attendant « Assasin’s Creed 2 » où il en livrera d’autres.

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Rogue One : A Star Wars Story ★★☆☆

Chacun sait que Star Wars IV (Un nouvel espoir) raconte comment Luke Skylwaker détruit l’Étoile de la mort. Personne n’ignore que Star Wars III (La revanche des Sith) se termine avec la mise en construction, sous le regard de Palpatine et de Dark Vador, de cette arme absolue. D’où la question qui immanquablement tenait en haleine des milliards de spectateurs depuis plusieurs années : que se passe-t-il entre la fin du III et le début du IV ?

La question se subdivise en plusieurs branches. Premièrement comment Leia, la fille d’Anakin et de Padné, confiée au sénateur Bail Organa et élevée sur la planète Alderaan, prend-elle la tête de la rébellion ? Deuxièmement, comment la rébellion met-elle la main sur les plans de l’Étoile de la mort ? C’est à cette seconde question – et à cette seconde question seulement – que répond Rogue One…. en attendant qu’un éventuel Rogue Two réponde peut-être à la première, qui aurait donc pour vedette Leia et son inénarrable coiffure.

On l’aura compris : Disney doit rentabiliser les quatre milliards de dollars que lui ont coûté le rachat de Lucas Films en en exploitant les moindres filons. Il n’est plus question d’attendre des années entre chaque épisode. Chaque mois de décembre verra désormais, avec une précision métronomique, la sortie d’un film de la saga : Star Wars VIII en 2017, Star Wars IX en 2019 et en 2018 un stand alone film sur Han Solo.

Rogue One est donc un Star Wars Canada dry. Ça ressemble à du Star Wars ; ça a le goût du Star Wars ; mais ce n’est pas tout à fait Star Wars. La musique par exemple laisse percer les accents célèbres de John Williams, mais les modifie légèrement. Les personnages ressemblent à s’y méprendre aux héros récurrents de la série : l’héroïne, interprétée par Felicity Jones (qui, à trente-trois ans, est un peu trop vieille pour le rôle) n’est pas sans rapper celle du VII. Et il y a dans la composition de la troupe qui l’entoure une diversité un peu trop parfaite (un Mexicain, un Chinois, un Britannique d’origine pakistanaise) pour ne pas être suspecte d’avoir été soigneusement calibrée pour séduire tous les publics.

Bref, le plaisir pris par le spectateur à ce film ne devient qu’un élément, parmi bien d’autres, d’un business plan aussi complexe que la machinerie de l’Étoile de la mort.

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Cigarettes et chocolat chaud ★★☆☆

Denis Patar élève seul ses deux filles, Janin et Mercredi, depuis le décès de leur mère. Bohême, mais vraiment pas bourgeois, il doit exercer deux boulots, le jour dans une jardinerie, la nuit dans un sex-shop, pour joindre les deux bouts. Lorsqu’il oublie une fois de trop ses enfants à l’école, la police transmet son dossier à la protection de l’enfance. Il est convoqué à un stage d’apprentissage parentale. S’il ne le suit pas avec succès, ses filles seront placées en famille d’accueil.

« Cigarettes et chocolat chaud » a deux qualités et un énorme défaut.

Commençons par l’énorme défaut : ce scénario de téléfilm mièvre qui nous annonce, dès sa lecture, l’enchaînement de scènes convenues. Le joyeux bordel de la famille Patar. La convocation devant l’assistante sociale, moins méchante qu’elle n’essaie de s’en donner l’air. Le stage débile où l’administration tente d’apprendre à des parents débordés leur boulot. La conclusion prévisible où le père aimant réussira à démontrer à une administration obtuse le bien-fondé de ses méthodes pédagogiques …. et à emballer la jolie assistance sociale.

Mais soulignons les deux qualités de ce « Captain Fantastic » à la française.

La tendresse et la cocasserie des situations et des personnages. Dans la même scène, on passe du rire aux larmes. On rit et on pleure de l’espièglerie de ces enfants et de leur tristesse rentrée face à la mort de leur mère. Que celui qui n’a pas versé une larme lors de l’éloge funèbre du cochon d’inde (Ziggy 7) se dénonce immédiatement !

L’interprétation de Gustave Kervern, qui creuse son sillon, de films absurdes co-réalisés avec Benoît Delépine (« Avida », « Aaltra »), en comédies tristes, où sa silhouette de gros nounours aux cheveux en pétard fait merveille (« Dans la cour » avec Catherine Deneuve).

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Personal Shopper ★☆☆☆

Maureen et  son frère jumeau Lewis étaient mediums et s’étaient promis, si l’un des deux mouraient avant l’autre, de s’envoyer un signe de l’au-delà. Lewis est mort depuis trois mois. Maureen vit à Paris et attend de lui le signe promis. Elle travaille comme personal shopper : elle achète dans des boutiques de luxe les robes extravagantes qu’une diva porte dans les soirées les plus huppées.

Sils Maria 2. Il y a deux ans, Olivier Assayas réalisait « Sils Maria », l’histoire d’une star (Juliette Binoche) et de son assistante personnelle (Kristen Stewart). Dans « Personal shopper », la star disparaît, laissant à l’assistante toute la scène.

De quoi parle exactement « Personal shopper » ? De la mode et de ses dessous pas toujours reluisants – comme dans « The Neon Demon » de Nicolas Winding Refn ? De spiritisme et de l’impossibilité de filmer les esprits comme dans « Planétarium » de Rebecca Slotowski ? Du deuil et de la nécessité d’oublier pour vivre comme dans « Ce sentiment de l’été » de Mikhaël Hers ? De tout cela ou, faute de traiter ces thèmes, « Personal shopper » se réduit-il à un banal thriller où un mystérieux psychopathe harcèle une innocente jeune fille à coup de textos anonymes ?

Pendant près de deux heures, on voit Kristen Stewart faire la gueule et porter le deuil de son frère, les épaules rentrées, la mine blafarde, les cheveux gras. On a connu spectacle plus divertissant…

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Manchester by the sea ★★★☆

Lee Chandler (Casey Affleck) est rappelé à son passé quand son frère, Joe, décède. Il doit revenir à Manchester où il vivait jadis avec sa femme et ses deux enfants. La tutelle de son neveu, Patrick, seize ans, lui est confiée.

Peut-on jamais se libérer de son passé ? Casey Affleck porte sur ses épaules toute la tristesse du monde. Les premières images du film le voient dans son travail de  concierge d’un immeuble miteux dans une banlieue pauvre de Boston. On comprend qu’il est ailleurs et qu’il travaille pour oublier, pour s’oublier. Mais le passé a tôt fait de le rattraper. Par un retour dans cette petite ville portuaire, qui est probablement pimpante l’été venu, mais que Kenneth Lonergan a la bonne idée de filmer à la morte saison, blanche et bleue. Par des flashback, de plus en plus nombreux, de plus en plus longs, qui nous éclairent sur son passé.

Joe, le frère de Lee est mort. Mais là n’est pas vraiment le problème. Quasiment personne ne le pleure. Pas sa femme qui a disparu depuis longtemps. Pas Lee qui a d’autres chagrins plus écrasants sur le cœur. Pas Patrick, son fils qui mène la vie heureuse d’un ado équilibré : coqueluche des filles, leader d’un groupe de rock, passionné de hockey et de pêche.

Le nœud du film est ailleurs. Dans le passé de Lee. On n’en dira pas plus, sinon qu’on a bientôt l’intuition de ce dont il retourne. Le film l’explicite très vite, dans une longue séquence au son de l’adagio d’Albinoni. Une fois ce secret dévoilé, « Manchester by the sea » perd un peu de son mystère et de son intérêt.

À ce stade, on aurait pu redouter que le parcours de Lee se résume à sa lente et prévisible convalescence – comme Jake Gyllenhaal dans le récent « Demolition ». Le scénario ne succombe pas à cette facilité. Même si le film aurait pu être amputée de trente bonne minutes sans en souffrir, sa fin est belle et triste. Comme ce film de saison, qu’il faut voir en hiver, quand la météo froide et pluvieuse est au diapason des personnages et de leurs sentiments.

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Baccalauréat ★★★☆

Eliza fait la fierté de Romeo, son père. Elle se prépare à quitter la Roumanie pour aller suivre des études supérieures à Londres. Mais à la veille de passer le baccalauréat, elle est victime d’une agression. Si elle ne se présente pas à son examen, si elle n’y obtient pas de notes suffisantes, ce sont tous ses espoirs et ceux de son père qui s’effondrent. Une solution existe toutefois. Mais elle suppose que Romeo et Eliza fassent taire leurs scrupules.

Depuis une dizaine d’années, les réalisateurs roumains dressent de leur pays un tableau sinistre. Cristian Mungiu est le plus célèbre grâce à la notoriété que lui a conférée sa Palme d’or cannoise pour « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » sans doute l’un des films les plus bouleversants de ces dix dernières années. Mais il n’est pas le seul. Rien qu’en 2016, on a vu « Illégitime » de Adien Sitaru ou « Sieranevada » de Cristi Puiu. Le premier est un coup de cœur, le second un coup de gueule ; mais l’un comme l’autre sont remarquables par leur âpreté. Il y a un article à écrire sur la Roumanie au prisme de son cinéma où il faudrait évoquer aussi l’image que donne de la Roumanie des réalisateurs étrangers telle que l’Allemande Maren Ade, la réalisatrice de Toni Erdman.

Cristian Mungiu réalise son troisième film en dix ans seulement. On y retrouve les mêmes qualités que dans « 4 mois… ». Une critique au scalpel de la société roumaine. Mais une critique jamais simpliste. Rarement aura été décrit avec autant de finesse le processus par lequel des relations de corruption se nouent. Il suffit d’une vie dure, de règles administratives obscures et idiotes… et d’une solidarité un peu trop envahissante. « J’ai besoin d’un petit service que tu as la gentillesse de me rendre et pour lequel je te serai ultérieurement redevable ». Rien de plus. Rien de moins aussi. Car tout se paie comme Romeo en fera la douloureuse expérience.

Le film le décrit pris au piège de ses petites compromissions. Il a peut-être le défaut de le laisser au milieu du gué, sans dénouer tous les fils de l’intrigue qu’il a tissés. L’aurait-il fait, il aurait encouru la critique d’être trop didactique. Ne le blâmons pas pour cela.

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Premier contact ★★★☆

Quand douze mystérieux vaisseaux extra-terrestres pénètrent notre atmosphère et surplombent notre planète, la linguiste Louise Banks est réquisitionnée par l’US Army pour établir un premier contact.

Le « premier contact » avec une forme d’intelligence extra-terrestre aux desseins inconnus est un sujet auquel les plus grands réalisateurs se sont déjà frottés. Et avec quel brio ! Steven Spielberg (« Rencontres du troisièmes type »), James Cameron (« Abyss »), Ridley Scott (« Prometheus »). Et le plus grand : Stanley Kubrick (« 2001, Odyssée de l’espace »).

Il fallait du culot à Denis Villeneuve pour s’y attaquer. Le réalisateur canadien confirme son talent. De film en film, dans les registres les plus divers, il surprend et séduit. Après « Sicario » – et avant « Blade Runner 2049 » dont la sortie est annoncée pour octobre 2017 – il s’affirme comme une valeur prometteuse du cinéma nord-américain.

À partir d’une nouvelle de Ted Chiang, Denis Villeneuve réalise un film de SF minimaliste entrecoupé de flash back et de flash forward dont on comprendra la logique à l’ultime seconde. La distribution est le point faible du film : Amy Adams est moins convaincante que Emily Blunt dans Sicario, Forest Whitaker et Jeremy Renner manquent cruellement d’ambiguïté.

« Premier contact » (« Arrival » en anglais) n’est pas un film de science-fiction avec des soucoupes spatiales et des sabres fluo. Fan de Star Wars 8, attends la semaine prochaine et passe ton chemin ! « Premier contact a plus d’ambition. Trop peut-être. Il y est question de langage et de communication. Le sous-texte est vite explicité : le principal défi posé aux humains n’est pas de comprendre les extra-terrestres mais de se comprendre entre eux.

Plus intéressante est l’autre dimension du film qui, si l’on y prête attention, est annoncée dès sa première phrase. Une réflexion sur le temps. Et une question métaphysique : si nous connaissions notre futur, vivrions-nous néanmoins notre vie de la même façon ?

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