Farrebique ★★★☆

Farrebique est un hameau du Rouergue dans l’Aveyron à une trentaine de kilomètres de Rodez. À la ferme, le grand-père règne en maître. Ses deux fils l’assistent en attendant de lui succéder. L’aîné est marié et a déjà quatre enfants. Le cadet « fréquente » la fille du voisin.

De décembre 1944 à novembre 1945, Georges Rouquier a planté sa caméra dans la ferme de fermiers qui lui étaient apparentés. Il en a filmé les jours et les heures. Son documentaire connut à l’époque un succès retentissant. Il fut sélectionné hors compétition à Cannes – mais y obtint néanmoins un prix. Il fut ensuite projeté à l’Opéra de Paris en présence du président du Conseil.

Farrebique est un documentaire qui fait date dans l’histoire du genre. Comme Flaherty, qui devint célèbre en filmant la vit des Inuit, Rouquier fait œuvre d’anthropologue. Il filme les saisons au fur et à mesure qu’elles se déroulent, de l’hiver à l’automne. Les hommes et leurs activités retiennent bien sûr son attention. Mais il s’intéresse aussi à la nature dont il filme – en accéléré – la métamorphose. Rompant avec les règles aujourd’hui consacrées du documentaire, il n’hésite pas à demander à ses protagonistes de se mettre en scène : ainsi on fait du fils cadet un célibataire – alors qu’il était en fait déjà marié – et on demande au grand-père de simuler sa mort – la petite histoire veut qu’il ait suivi le tournage de sa mise en bière derrière la fenêtre de sa chambre.

Farrebique a valeur historique. On y voit la paysannerie des années 40 telle qu’elle était, une population encore majoritaire en France à l’époque avant que les Trente Glorieuses et l’exode rural ne la vident de ses forces vives. Si aujourd’hui, les documentaires (Farrebique ressort le même jour que Sans adieu) ou les films (Petit paysan) qui décrivent le monde rural montrent des fermes dépeuplées, où un seul homme suffit à faire tourner l’exploitation, on est surpris du nombre d’habitants de Farrebique : une dizaine dont trois hommes d’âge adulte.

Bizarrement aucune allusion n’est faite à la guerre qui vient de se terminer – Jeux interdits tourné à la même époque est autrement plus ancré dans son temps. Pour autant, la paysannerie de Farrebique n’est pas immuable. Même si elle pratique l’élevage et la polyculture, même si elle mélange l’occitan et le français, même si elle mange la soupe au pain et fait chabrot, elle se modernise : on installe l’électricité, on achète les premières machines qui facilitent les moissons.

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