Après Annette, en ouverture le 6 juillet, après Benedetta le 9,Titane a fait scandale le 14 sur la Croisette et suscité des débats bien au-delà. Il en a suscité d’autant plus qu’il a reçu avant-hier soir la Palme d’or. Une Palme d’or historique puisque c’est la seconde seulement depuis 1945 décernée à une réalisatrice. Et une Palme d’or décernée à un film de genre, puisque c’est désormais l’expression consacrée pour désigner ce genre de films, là où le jury préférait souvent distinguer un film au sujet politique explicite (Missing, Farenheit 9/11) ou au thème social brûlant (Entre les murs, Moi, Daniel Blake).
Alors qu’il recevait la palme d’Or à Cannes, Titane était déjà diffusé depuis trois jours en salles. Cette concomitance assez rare – je ne me souviens que de Tree of Life et de La Chambre du fils ces vingt dernières années – obère le box-office d’un film qui aurait sans doute eu plus de succès s’il était sorti à l’automne, précédé de l’attente impatiente suscitée par cette prestigieuse récompense. Mais elle permet de découvrir le film sans tarder et de s’en faire une opinion – en évitant le penchant délétère de le juger à l’emporte-pièce sans l’avoir vu.
Écartons d’abord une objection de procédure. Le film serait particulièrement éprouvant. Sa projection à Cannes aurait provoqué évanouissements, vomissements et évacuations. J’avais pris soin d’aller le voir l’estomac vide : je m’y serais évanoui peut-être mais n’aurais pas dégobillé sur les genoux de ma voisine. Pourtant, cette réputation sulfureuse – dont on se demande si elle va dissuader des spectateurs ou au contraire en attirer un nombre plus grand encore, motivés par je ne sais quel tabou – est largement usurpée. Certes, Titane contient quelques scènes impressionnantes d’un masochisme qui fait grincer les dents, serrer les accoudoirs et fermer les yeux. Mais pour autant, son interdiction aux moins de seize ans semble parfaitement proportionnée, une interdiction aux moins de douze étant trop laxiste et aux moins de dix-huit, rarissime, trop rigoureuse.
Venons-en enfin au film dont vous aurez noté, lecteur fidèle, que je n’ai pas résumé son scénario au premier paragraphe de ma critique, rompant avec une routine paresseuse.
Pourquoi ? parce que cette histoire – dont je ne sais plus très bien ce que j’ai le droit d’en dire sans m’attirer le reproche de divulgâchage – constitue à mes yeux son principal point faible. L’histoire d’une serial killeuse qui, pour fuir la police, entend se faire passer pour le fils, disparu dix ans plus tôt, d’un officier de sapeur-pompier perclus de chagrin, manque à ce point de crédibilité qu’elle m’a instantanément coupé des deux personnages principaux, en dépit de l’interprétation exceptionnelle d’Agathe Rousselle et de Vincent Lindon. Je n’ai rien ressenti pour Alexia/Adrien – dont on m’explique qu’elle/il se cherche un père de substitution. Je n’ai rien ressenti pour Vincent – dont on me dit que le besoin maladif de retrouver son fils le pousse contre toute raison à adopter cette fugitive.
J’avais aimé Grave car ce film de genre déjà passablement transgressif, au-delà des scènes inoubliables qu’il contenait, filait une métaphore diablement intelligente et sensible sur la sortie de l’adolescence, l’éveil des sens et la découverte de la sexualité.
Rien de tel hélas dans Titane qui flirte pourtant avec deux sujets stimulants : le transhumanisme (Alexia fut victime à neuf ans d’un grave accident de voiture qui conduisit à lui greffer dans le crâne une plaque de titane qui va altérer gravement sa personnalité) et le transgenrisme (Alexia est contrainte à se travestir pour disparaître). Hélas, du transhumanisme, Titane ne nous dit rien, sinon dans son plan ultime hélas tellement prévisible. Quant au transgenrisme, la conclusion du film, qui semble enfermer Alexia dans une identité de genre à laquelle elle tentait d’échapper, contredit frontalement le beau discours de Julia Ducournau lors de la remise de la Palme en faveur d’un « monde plus fluide et plus inclusif ».
Encore une nullité de plus récompensée puisqu’elle vient d’une femme et qu’elle est bien trash et bien merdique
Pourquoi êtes-vous si péremptoire et si vulgaire ?
Ping The Substance ★★★☆ | Un film, un jour