L’Insulte ★★★☆

En 2016 à Beyrouth deux hommes s’insultent et en viennent aux mains. Toni, la quarantaine, est un militant des Forces libanaises, une ancienne milice chrétienne violemment anti-palestinienne. Yasser, la soixantaine, est un réfugié palestinien, chassé de Jordanie en 1971.

Ziad Doueiri est le réalisateur de la série Baron noir. On retrouve dans L’Insulte la subtilité, l’intelligence, la complexité qui caractérisent la série à succès de Canal Plus.

La situation politique au Liban est autrement plus explosive que celle de la fédération PS du Nord. Faisant abstraction du Hezbollah pro-iranien et de l’ombre portée par le puissant voisin syrien (considérablement affaibli depuis 2011), L’Insulte se concentre sur les deux principales forces dont Toni et Yasser se font, à leurs corps défendant, les porte-drapeaux. D’un côté les chrétiens qui se posent en gardiens de l’identité nationale. De l’autre les Palestiniens qui, chassés de tous les pays de la région, ont immigré en masse après Septembre noir, ont plongé le pays dans la guerre civile et y vivent encore en nombre, tolérés du bout des lèvres au nom de la solidarité arabe face à l’ennemi israélien honni, mais relégués à un statut de paria.

Alors qu’il effectue avec son équipe, composée pour l’essentiel de Palestiniens travaillant au noir, des travaux de construction dans un quartier phalangiste, Yasser s’inquiète du danger provoqué par la gouttière de l’appartement de Toni. Il lui demande d’y remédier. Face au silence buté de Toni, il fait procéder lui-même à la réparation. Toni s’énerve, détruit la gouttière à coups de marteau. Yasser prend la mouche et le traite de « sale con ». L’insulte est inacceptable. Toni exige des excuses. Yasser renâcle mais son patron le convainc. Il est sur le point de les présenter à Toni quand celui-ci l’insulte à son tour « Sharon aurait dû vous exterminer tous ». Le sang de Yasser ne fait qu’un tour : il frappe Toni violemment et lui casse deux côtes.

La bande-annonce de L’Insulte laisse subtilement planer le doute sur la nature de l’insulte proférée par Toni qui a provoqué la réaction violente de Yasser. Le résumé détaillé que je viens de faire des premières minutes du film lève ce mystère mais pose les termes du film dans toute sa complexité. Car la situation n’est pas manichéenne. Il n’y a pas un agresseur et un agressé : si Yasser a porté les coups, c’est lui qui a reçu l’insulte.

S’ouvre un procès. celui qu’on voit dans la bande-annonce n’est qu’un amuse-bouche. Il y aura un appel. Les pénalistes y verront à redire tant les principes les plus simples de la procédure y sont mis à mal. Ils se formaliseront légitimement que l’avocat du plaignant soit le père de celui du défendeur en violation flagrante des règles déontologiques. Mais ce qui est perdu en orthodoxie procédurale est gagné en intensité dramatique. Les nombreux rebondissements qui ponctuent l’audience maintiennent la tension jusqu’au dénouement. Dommage que celui-ci, par son simplisme – il faut hélas bien que l’inculpé soit condamné ou libéré – ne permette pas de trouver une issue plus équilibrée à un problème sans solution.

La bande-annonce

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