Gagarine ★☆☆☆

Youri, seize ans, a grandi dans la cité Gagarine, à Ivry-sur-Seine, une barre HLM inaugurée en grande pompe en 1963 en présence du célèbre cosmonaute soviétique. Elle a, hélas, au fil des ans, connu la lente déchéance des immenses barres d’immeubles des Trente Glorieuses. Son évacuation, le relogement de ses occupants, sa destruction sont devenus inéluctables. Mais Youri, ingénieux Géo Trouvetou qui rêve depuis toujours de devenir cosmonaute, entre en résistance. Avec la complicité de Diana, une jeune Rom qui lui fournit les matériaux dont il a besoin, de Houssam, son voisin et ami, et de Dan, un petit dealer, il transforme son appartement en capsule spatiale auto-suffisante.

Pour leur premier long-métrage, Fanny Liatard et Jeremy Trouilh ont planté leur caméra dans la « ceinture rouge » parisienne. Ils y ont filmé la destruction d’un grand ensemble. Ils auraient pu en faire un documentaire. Leur film en porte la trace depuis ses toutes premières images – qui montrent Youri Gagarine à Ivry-sur-Seine inaugurant la cité qui porte son nom – aux toutes dernières – où on entend en voix off le témoignage de quelques habitants. Ils auraient pu aussi en faire un film marqué au sceau du réalisme social, comme on en a tant vus pour raconter la banlieue depuis La Haine jusqu’aux Misérables en passant par L’Esquive, Bande de filles ou Divines.

Le parti qu’ils ont choisi est radicalement différent et sacrément culotté. Gagarine s’inscrit dans le registre du réalisme magique voire de la pure poésie sinon de la science-fiction. Il accompagne Youri dans son délire jusqu’au-boutiste. Les critiques qui ont accueilli ce conte fantastique, sélectionné en compétition officielle à Cannes en 2020, sont laudatives. Elles saluent ce parti pris original, aux antipodes de la façon désormais bien conventionnelle de filmer les banlieues et leur anomie. Elles vantent sa douceur, sa beauté plastique, son inventivité, son onirisme.

Sans rien dénier de ses qualités, je suis hélas passé à côté de ce beau film. Si j’ai été touché par le jeu de la formidable Lyna Khoudri, la révélation de Papicha, j’ai trouvé bien pataud Alséni Bathily, le héros, et sous-employé le pourtant excellent Finnegan Oldfield dans un rôle de petite frappe. Je ne disconviens pas que le film soit poétique et doux. Mais j’ai trouvé que sa métaphore était filée avec trop de systématisme pour ne pas tourner au pur concept : filmer la destruction de la cité Gagarine comme le décollage d’une fusée spatiale. Un concept qui m’est apparu aussi artificiel que stérile.

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *