Women Do Cry ★★☆☆

Ana, Veronica et Yoana sont trois sœurs. Leur mère, qui avait consacré sa vie à les élever est morte. Leur père, un homme violent et autoritaire, est diminué par un AVC qui l’a à moitié paralysé. Ana est la mère de deux jumelles : Lora est ingénieure en BTP et Sonja (Maria Bakolova qui interprétait la fille de Sacha Baron Cohen dans le second Borat) vient d’apprendre que son amant, un homme marié, lui avait transmis le VIH. Veronica fait une dépression post-natale avec son bébé qu’un mari absent lui laisse élever seule. Yoana vit en couple avec une femme dans une société qui accepte mal les couples LGBT.

Il n’ya rien de la délicatesse de Tchekov dans cette chronique militante filmée par un couple de réalisatrices bulgares et lesbiennes. Il tire à boulets rouges sur la société bulgare, sa misogynie, son patriarcalisme. Constamment, l’histoire de ces cinq femmes résonne avec les débats qui agitent la Bulgarie autour de la ratification de la Convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes qui a été caricaturée comme une tentative de l’Occident de diffuser la théorie du « genre » – un mot dont on apprend qu’il n’a pas de traduction en bulgare – et de corrompre les familles.

La charge est rude. Elle n’en est pas moins efficace. À lui seul, le personnage de Sonja, le vertige qui le saisit quand elle apprend sa contamination, auraient pu faire l’objet d’un seul film. À vouloir à tout prix y rajouter les histoires de sa mère – qui s’estime coupable d’avoir tu pendant toute son enfance les violences domestiques dont sa propre mère était victime – et de ses deux tantes, Women Do Cry charge un peu trop la barque au risque de la faire couler.

La bande-annonce

Cinq nouvelles du cerveau ★☆☆☆

Le réalisateur suisse Jean-Stéphane Bron s’est fait un nom dans le monde du documentaire en filmant les conséquences de la crise des subprimes aux Etats-Unis (Cleveland contre Wall Street, 2010), en disséquant les failles du régime démocratique suisse menacé par la montée de l’extrême-droite (L’Expérience Blocher, 2013) et en pénétrant dans les coulisses de l’Opéra de Paris (L’Opéra, 2017).

Il change du tout au tout de focale en nous invitant dans le monde fascinant des neurosciences. Des neurologues, des mathématiciens, des informaticiens, des roboticiens essaient d’y répondre à des questions vertigineuses : comment fonctionne notre cerveau ? ses fonctionnalités peuvent-elles être reproduites par une machine ? une intelligence artificielle pourra-t-elle apprendre et se perfectionner ? risquera-t-elle un jour de dominer son créateur ?

Ces questions sont passionnantes. Mais hélas, les éléments de réponse que nous offre le documentaire de Jean-Stéphane Bron sont décevants.
Il interviewe l’un après l’autre cinq chercheurs (quatre hommes et une femme seulement, ce qui ne va pas sans poser un problème d’équilibre des genres que des esprits vétilleux soulèveront sans doute) là où une approche thématique aurait peut-être été plus efficace. Chacun présente pendant une petite vingtaine de minutes ses travaux, comme s’il courait seul dans son couloir, alors qu’un chercheur progresse en discutant et en confrontant ses hypothèses avec ses collègues.

Certains des interviewés sont plus attachants que d’autres et laisseront une marque plus profonde, tels Niels Bierbaumer dont les travaux sur les interfaces cerveau-machine permettent à certains malades victimes de locked-in syndrom (tel le héros du Scaphandre et du Papillon) de communiquer avec leurs proches. D’autres donnent froid dans le dos, tel David Rudrauf qui imagine sans sourciller vaincre la mort en « téléchargeant » nos consciences dans des machines.
Mais au total, on n’apprend pas grand chose qu’on ne savait et, plus grave, on ne trouve pas les réponses aux questions qu’on se posait.

La bande-annonce

Ma nuit ☆☆☆☆

Marion (Lou Lampros) a dix-huit ans. Sa mère (Emmanuelle Bercot) ne parvient pas à faire le deuil de sa fille aînée, morte cinq ans plus tôt dans des circonstances qui resteront inconnues, dont elle célèbre  ce jour-là l’anniversaire avec quelques amis. Marion fuit l’appartement familial pour déambuler dans Paris. Elle retrouve son amie Justine et va avec elle à une fête. En en sortant, elle rencontre Alex (Tom Mercier) qui lui propose de la raccompagner en scooter.

Antoinette Boulat filme sur le tard son premier film après avoir depuis plus de vingt ans dirigé des castings. Cette première réalisation frappe par son manque d’originalité. On y voit, comme on l’a déjà vu mille fois, une jeune femme, pas tout à fait encore sortie de l’enfance ni entrée dans l’âge adulte, errer l’espace d’une nuit dans les rues de la capitale. Comme de bien entendu, cette errance sera l’occasion de plusieurs rencontres qui la feront évoluer et, qui sait ?, rencontrer l’amour.

Bien loin de l’élégance antonionienne de La Notte, Ma nuit (pourquoi cet adjectif possessif ?) multiplie les poncifs : les longs plans séquence dans un Paris noctambule et désert, le passage en boîte de nuit avec lumière stroboscopique, le plongeon dans la Seine…
La jeune révélation Lou Lampros (déjà aperçue dans De son vivant – où elle jouait la jeune étudiante de théâtre amoureuse de Benoît Magimel – et dans Médecin de nuit) est condamnée à répéter les mêmes moues dépressives. L’indéfinissable accent de Tom Mercier, le héros israélien déraciné à Paris de Synonymes, introduit une touche d’exotisme dont le scénario ne sait pas que faire.

La bande-annonce

Un fils du sud ★☆☆☆

Bob Zellner (Lucas Hill)un jeune Blanc d’Alabama, dont le grand-père est membre du KuKluxKlan, réussit à vaincre les préjugés de son milieu et à s’engager pour la défense des droits civiques dans le Sud raciste des années soixante.
Un fils du sud raconte son histoire.

La ségrégation raciale dans le Sud, le racisme dont les Afro-Américains ont été victimes et la lutte pour les droits civiques constituent des sujets éminemment cinématographiques qui ont donné lieu à plusieurs films remarquables : Mississipi Burning, Miss Daisy et son chauffeur, La Couleur des sentiments, Selma, Green Book, Loving, Marshall Un fils du sud se rajoute à cette longue liste en prenant pour héros non pas un Noir victime de discrimination, mais un Blanc qui s’engage courageusement dans cette cause.

C’était déjà le prisme de Du silence et des ombres (l’adaptation du roman à succès de Harper Lee Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur) qui avait été tourné en 1962 alors que le sujet était d’une brûlante actualité.  Il avait pour héros Gregory Peck qui interprétait le rôle d’un avocat veuf et père de famille qui assurait la  défense d’un Noir accusé de viol.
C’est faire beaucoup trop d’honneur de mettre sur le même plan le chef d’oeuvre multi-oscarisé de 1962 et ce biopic oubliable, d’un manichéisme réducteur, que rien ne sauve sinon peut-être la grâce de Lex Scott Davis qui, la malheureuse, n’a même pas sa place à l’affiche.

La bande-annonce

La Mif ★★☆☆

Audrey, Novinha, Précieuse, Faustine, Tamra, Allison et Caroline ont été placées par la protection suisse des mineurs dans un foyer proche de Genève. Elles forment une famille, une « mif » en verlan. Lora, la directrice, et les éducateurs spécialisés qui la secondent veillent jalousement sur elles et essaient de les aider à reconstruire leurs vies cabossées.

Des films sur des foyers de mineurs, on en a vu treize à la douzaine avec leurs adolescents perturbés mais au fond si touchants, avec leurs éducateurs dévoués, mais parfois faillibles : La Tête haute, States of Grace, Hors normes
Il y a deux mois à peine sortait Placés sur le même thème, dont la bande-annonce ne m’avait pas donné envie de le voir. Je suis pourtant allé voir La Mif à cause des bonnes critiques qui le précédaient. Une semaine à peine après sa sortie, il n’était plus à l’affiche que d’une seule salle parisienne à des horaires impossibles.

Mon entêtement a porté ses fruits. J’ai réussi à voir La Mif avant qu’il ne disparaisse de la programmation. Et j’ai beaucoup aimé ce film réalisé par un ancien éducateur spécialisé, aux frontières du documentaire et de la fiction.

Je l’ai beaucoup aimé pour une raison évidente et assez prévisible : le portrait touchant qu’il dresse de ces adolescentes à fleur de peau et de ces adultes qui tentent tant bien que mal de les protéger.
Mais je l’ai beaucoup aimé pour une autre raison plus surprenante : sa construction très sophistiquée, kaléidoscopique, qui, autour d’une même trame narrative, s’intéresse successivement à chacune des pensionnaires. Chacune des jeunes filles devient à tour de rôle l’héroïne d’une histoire qui est à la fois commune et singulière. La narration diffractée n’en reste pas moins cohérente, prenant comme fil rouge le scandale causé par la relation sexuelle d’Audrey avec un jeune garçon de quatorze ans à peine.
Elle prend dans le dernier tiers du film un tour inattendu en se focalisant sur Lora, la directrice. La Mif opte alors pour un ton mélodramatique qu’on n’imaginait pas. Frédéric Baillif en a-t-il un peu trop rajouté ? peut-être. Mais cette débauche lui est vite pardonnée.

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Entre les vagues ★☆☆☆

Margot (Souheila Yacoub, révélée dans Climax et qui occupait déjà le haut de l’affiche dans De bas étage) et Alma (Déborah Lukumuena qui tenait la dragée haute à Gérard Depardieu dans le récent Robuste) sont les meilleures amies du monde. Elles partagent un rêve : monter sur les planches. Et ce rêve est sur le point de se concrétiser : au terme d’un long casting, Alma a été retenue pour interpréter le premier rôle de la pièce montée par une dramaturge italienne (on reconnaît Sveva Alviti qui campait Dalida dans le biopic de Lisa Azuelos) et Margot est embauchée comme doublure.
Mais le destin va rattraper les deux jeunes filles.

Entre les vagues raconte une histoire déchirante dont il est impossible de trop en dire, sauf à se faire reprocher d’en divulgâcher le contenu. D’autres critiques n’ont pas mes pudeurs de vierge qui en parlent explicitement. J’en ai peut-être d’ailleurs déjà trop dit en écrivant que je devais ne rien en dire. Toujours est-il que, loin du programme annoncé de joyeuse sororité que l’affiche du film et sa bande-annonce nous laissaient escompter, Entre les vagues prend en son milieu une tonalité plus dramatique.

Sa seconde moitié devrait faire pleurer les pierres. Étrangement, elle ne m’a pas touché. Pourtant, c’est précisément le genre de sujet qui me fait fondre en larmes. Mais ici, rien, nada, pas l’ombre d’un sanglot.
Ce n’est pourtant pas la faute des deux actrices, aussi excellentes l’une que l’autre. Mais c’est peut-être celle d’un scénario trop mélodramatique qui, à force de vouloir à tout prix susciter l’émotion, la fait fuir.

La bande-annonce

Le Dernier Témoignage ★★☆☆

Mort en 2020, le documentariste britannique Luke Holland avait consacré les ultimes années de sa vie à interviewer les derniers survivants allemands du Troisième Reich. Logiquement, il s’agit de vieillards octogénaires ou nonagénaires qui reviennent sur des faits vieux de plus de soixante ans vécus durant leur enfance voire leur adolescence.
Les moins âgés racontent leur embrigadement dans les Jeunesses hitlériennes ; les plus vieux, en âge d’être incorporés, évoquent les combats qu’ils ont vécus.

Trois questions se posent à eux.
La première est celle de leur adhésion à la folie criminelle hitlérienne. Elle ne fait hélas guère de doute, fruit du conformisme, de la passivité et de la crainte des représailles qu’un acte de résistance aurait déclenché.

La deuxième est celle de leur degré de connaissance des crimes perpétrés, notamment du génocide juif. Cette question-là appelle une réponse moins tranchée. Comme l’ont montré les travaux des historiens du nazisme, la population allemande aurait pu savoir mais a préféré refuser de savoir. Des rumeurs circulaient sur l’existence de camps de concentration et sur ce qui s’y faisait, colportées par les voisins ou par les militaires qui y étaient affectés. Pour certains, elles étaient tellement monstrueuses qu’elles étaient incroyables. Pour d’autres, il n’y avait rien de bon à y prêter l’oreille ou, pire, à les relayer.

La troisième, la plus délicate, est celle de la culpabilité. Bien sûr, chacun se réfugie derrière l’obligation de respecter les ordres reçus (le fameux Führerprinzip) et le danger couru à y déroger. Mais, les témoignages recueillis par Luke Holland révèlent une subtile palette de réactions, entre ceux qui se considèrent exempts de toute culpabilité et d’autres, plus sensibles, qui reconnaissent que, quand bien même ils n’auraient de leurs mains commis aucun crime, leur simple passivité en a permis la commission par d’autres.

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Moneyboys ★☆☆☆

Fei est un « moneyboy », un jeune homme qui se prostitue à Pékin pour subvenir aux besoins de sa famille. Il y fait la connaissance de Xiaolai, un giton comme lui, avec qui il vit une passion amoureuse aussi fulgurante que brève. Un drame les oblige à se séparer.
Les années passent. Fei s’est réinstallé dans une autre mégalopole chinoise et continue à vivre au crochet de quelques clients fortunés. La santé déclinante de son grand-père le conduit à revenir dans son village natal, au Shandong. Il y constate l’hostilité de sa famille qui s’estime déshonorée par son commerce. Il y retrouve Long, un ami d’enfance, qui rêve de s’échapper pour le rejoindre à la ville sans comprendre clairement les implications de la vie menée par Fei et le stigmate social qui l’entâche.

Moneyboys est l’oeuvre de C.B. Yi, un réalisateur d’origine chinoise installé en Autriche et formé auprès de Michael Haneke. Son film n’a pourtant rien de l’austérité du grand maître autrichien. Il lorgnerait plutôt du côté de Tsai Min-liang, avec lesquels il partage une vision joyeusement désespérée de la jeunesse chinoise ou de Wong Kar Wai pour sa sensualité esthétisante.

Je me suis laissé hypnotiser par Moneyboys, par ses longs plans fixes, par ses brutales ellipses qui brouillent souvent la compréhension du récit. Cette hypnose aurait pu être agréable : Moneyboys avait beaucoup d’arguments pour me séduire. Mais, au terme de ses deux heures bien trop longues, c’est l’ennui qui a prévalu voire la perplexité devant un dénouement que je n’ai toujours pas compris (merci de m’éclairer en mp).

La bande-annonce

Seule la Terre est éternelle ★★☆☆

Jim Harrison (1937-2016) est un immense écrivain américain, l’auteur de Légendes d’automne et de Dalva. François Busnel est allé le filmer dans les paysages splendides de l’Ouest américain durant le dernier été de sa vie. Pour des raisons qu’on peine à comprendre, son documentaire a attendu le sixième anniversaire de sa mort pour sortir sur les écrans.

Le brillant présentateur français est fasciné par les Etats-Unis et sa littérature. Il a lancé le mook America en 2017. Il consacre aux auteurs américains une place d’honneur dans son émission télévisée La Grande Librairie. Dans son panthéon, il classe au sommet Jim Harrison. En 2011, il lui avait consacré un des épisodes de ses Carnets de route, filmés au travers des Etats-Unis, où il partait à la rencontre des plus grands romanciers américains vivants (Philip Roth, Paul Auster, Joyce Carol Oates, James Ellroy…).

Quelques années plus tard, il a réussi à le retrouver pendant trois semaines. L’écrivain vit ses derniers moments. Il est exténué, à bout de souffle, même s’il continue à fumer cigarette sur cigarette. Obèse, il se déplace avec difficulté. Mais il n’a rien perdu de sa lucidité et son oeil (droit, il a perdu le gauche tout enfant) continue à briller d’une lueur malicieuse.

Seule la terre est éternelle n’apprendra pas grand chose au spectateur sur la vie ou sur l’oeuvre de Jim Harrison qu’il évoque à petites touches. Deux ou trois romans à peine sont mentionnés : Wolf qui lui apporte la célébrité, Dalva son oeuvre maîtresse… L’écrivain est filmé chez lui, à table (c’est un fin gourmet), à son bureau d’écrivain où il écrit au Bic avant de faxer (sic) ses pages à une dactylo qui les tape. Il est surtout filmé au cœur de cet Ouest sauvage qui constitue l’écrin majestueux de ses romans.

À tort comparé à Hemingway dont il partage la silhouette, mais pas le virilisme, Jim Harrison est un auteur « terrien », profondément lié à la nature, écologiste avant l’heure. Ses journées alternent l’écriture et la pêche et on l’accompagne sur la Yellowstone River. Il est devenu le porte-drapeau des peuples premiers amérindiens dont il entretient la mémoire et dont il a raconté l’histoire.

Il n’est pas nécessaire de connaître l’oeuvre de Jim Harrison (je n’ai guère lu de lui que Dalva) pour apprécier ce documentaire bien léché, qui vaut autant par la beauté sublime de ses paysages que par la figure étonnante de ce « monstre sacré » de la littérature américaine.

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En corps ★★★★

Elise (Marion Barbeau) a vingt-six ans. Elle est danseuse étoile dans une grande compagnie. Elle se blesse gravement lors de la première de La Bayadère. Sa convalescence sera longue ; peut-être même devra-t-elle renoncer à la danse. Cet arrêt impromptu oblige Elise – dont le fiancé vient de la quitter – à une douloureuse introspection. Elle peut s’appuyer sur son kinésithérapeuthe (François Civil), qui l’aime secrètement. Son père (Denid Podalydès), en revanche, est plus maladroit avec elle et peine à lui exprimer ses sentiments.
Pour chasser l’ennui, Elise trouve à s’employer auprès de Loïc (Pio Marmaï) et Sabrina (Souheila Yacoub), un couple de restaurateurs qui travaille dans une résidence d’artistes, sur la côte armorique, tenue par Josiane (Muriel Robin). C’est là qu’Elise retrouve par hasard le chorégraphe israélien Hofesh Shechter et sa troupe.

J’ai pour le cinéma de Cédric Klapisch les yeux de Chimène. J’ai grandi avec lui depuis Le Péril jeune et Un air de famille. J’ai applaudi comme des millions de spectateurs au succès de L’Auberge espagnole. Je lui trouve un talent unique pour comprendre et restituer, avec humour et finesse, les états d’âme de ma génération, qui entra dans l’âge adulte dans les années 90, avant Internet et Meetic, avec Erasmus et le 3615.

Certes Cédric Klapisch a vieilli. Il a dépassé les soixante ans. Ses derniers films, Ce qui nous lie et Deux moi, ne sont pas totalement convaincants, même si je les ai défendus avec une fidélité inaltérable. Mais, on retrouve dans En corps la justesse de son regard.
On la retrouve dans la façon dont il campe son héroïne brutalement confrontée à l’obligation de s’inventer une seconde vie. On le retrouve dans la relation qu’elle entretient avec son père, interprété à la perfection (comment en aurait-il pu être autrement ?) par le toujours parfait Denis Podalydès. On la retrouve aussi dans le soin qu’il porte aux seconds rôles. Il les a confiés à des acteurs qu’il connaît bien : François Civil (dont la ressemblance avec Romain Duris que Klapisch avait lancé m’a toujours frappé) interprète un kiné un peu branque, secrètement amoureux d’Elise. Pio Marmaï joue un cuisinier obsessionnel qui forme avec la volcanique Souheila Yacoub (Entre les vagues, De bas étage, Climax) un couple détonnant.

Mais si En corps m’a tant séduit, c’est pour un motif très personnel. Son vrai sujet est la danse contemporaine qui est ma passion secrète, une passion dont, bizarrement, je suis incapable de parler. Je suis un fan de la première heure du Théâtre de la Ville et de sa programmation éclectique. J’ai biberonné aux spectacles de Pina Bausch, de Maguy Marin, de Wim Vandekeybus, de Jan Fabre, de Ohad Naharin et bien sûr de Hofesh Schechter. Je ne pouvais par conséquent qu’être enthousiasmé par cette histoire qui raconte de l’intérieur la préparation d’un spectacle – comme je l’ai été l’an dernier par Indes galantes.

La bande-annonce