Paris la blanche ★★★☆

Rekia est kabyle. Quarante huit ans plus tôt son mari, Nour, est parti en France travailler dans le bâtiment. Chaque mois, il lui envoie, par son frère, un mandat. Mais les virements ont cessé depuis quatre ans. Inquiète, Rekia décide de prendre le bateau et de venir le chercher à Paris.

Paris la blanche débute par des plans sans dialogue où l’on voit Rekia préparer scrupuleusement sa valise, fermer sa maison, prendre le bus jusqu’à Alger puis embarquer. Alors qu’Alger la blanche est filmée en scope depuis le pont du navire, les mots Paris la blanche s’inscrivent sur l’écran. Ce titre paradoxal semble annoncer un renversement de perspective : comme si la capitale de la France allait avoir, pour cette Kabyle jamais sortie de son bled, le parfum exotique de la capitale algérienne pour les colons français du début du siècle dernier.

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Paris la blanche n’est pas un vague remake de La Vache, cette comédie tendre qui racontait l’an passé la traversée de la France par un Kabyle accompagnant sa bête au Salon de l’agriculture et, tel un Candide moderne, promenant son miroir au bord du chemin. Paris la blanche joue sur un autre registre : celui du drame familial, de l’exil, du déracinement, de l’attachement contrarié à la terre natale, de la fidélité d’une femme pour son mari et d’un mari pour sa femme.

Puisque l’affiche du film a la maladresse de le dévoiler, on peut le révéler : Rekia retrouvera Nour après plusieurs jours d’une quête stérile dans les rues de Paris où elle croisera le chemin de quelques Français aidants (formidable Karole Rocher). Le suspense du coup se déplace vers un double mystère : pour quelle raison Nour a-t-il laissé Rekia sans nouvelle ? Acceptera-t-il de reprendre avec elle le chemin du retour ?

Paris la blanche est un film d’une infinie douceur, illuminé du sourire tendre de Tassadit Mandi, figure moderne de Pénélope qui, lasse de tisser en attendant son époux, part à sa recherche. Dans ce film d’une heure vingt six seulement, beaucoup se dit sans mot, sans phrase inutile, sans surjeu inutilement démonstratif. Toutes les questions ne trouveront pas leurs réponses. Comme dans la vie. Tout simplement.

La bande-annonce

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